Sur la chloroquine, la directrice de l’Agence Régionale de Santé de Mayotte prévient, « pas d’excitation autour de cette autorisation. En l’absence de vaccin, il y a plusieurs tests en cours sur plusieurs molécules. La chloroquine était l’un d’entre eux. Les autres sont en cours, il faut aussi prendre en compte leurs résultats. »
Le décret est malgré tout sorti, il est donc applicable à la seconde même. Le problème, c’est le stock. « La chloroquine est déjà utilisée par beaucoup de malades qui en ont besoin pour leur traitement, notamment le paludisme. Nous avons donc des réserves qui correspondent à leurs besoins. Il faut donc d’une part, lancer des commandes qui correspondent à ce nouveau besoin, et d’autre part avoir des indications claires et précises sur la délivrance. »
Garantir le traitement pour ceux qui le prennent déjà, en prévenant les risques de rupture, c’est une des raisons qui auraient poussé le ministre de la Santé à interdire l’exportation des composantq du Plaquenil.
Nous avons donc contacté Catherine Barbezieux, la directrice du CHM pour savoir si des réassorts étaient prévus. Elle confirme que les médicaments préconisés par le décret concernaient auparavant peu de patients, « quelques dizaines », mais nous annonce surtout que les malades atteints par le Covid-19 se voyaient déjà administrer le traitement à base d’Hydroxychloroquine au CHM ! « Depuis le début de la crise, une cellule composée de médecins et de pharmaciens de l’établissement ont rédigé un protocole de prise en charge intégrant les recommandations du Professeur Raoult en respectant l’avis du Haut conseil de santé publique. C’est-à-dire que cette combinaison thérapeutique est réservée en priorité aux patients présentant des signes de gravité. Ce qui est déjà fait au CHM, les patients avec signes de gravité ont déjà eu ces traitements. »
Ravitailler Mayotte en oxygène, en masques et en tests
En conséquence, le stock résiduel du CHM en Hydroxychloroquine sera réservé à ces patients, mais il faut adapter l’offre à la demande légalisée par le décret : « Une nouvelle commande a déjà été passée par la Pharmacie Centrale. Les stocks nationaux sont contingentés et livrés sous le contrôle de l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament qui les répartit entre les hôpitaux. »
De son côté, Dominique Voynet a d’autres préoccupations en tête, qui ont été débattues en Cellule régionale d’appui et de pilotage sanitaire (CRAPS) ce vendredi. Le déficit en oxygène comme l’a déjà rapporté la directrice de l’ARS, et qui doit faire l’objet d’une livraison maritime, mais aussi la suspension des vols commerciaux. Le gouvernement a assuré qu’une continuité minimale sera mise en place de manière à avitailler Mayotte en produits sanitaires et alimentaires, à permettre les rapatriements et les évacuations sanitaires urgentes, ainsi que des renforts de personnel soignant.
Autre préoccupation, les respirateurs. S’ils sont en nombre suffisants pour les 16 lits de réanimation, ils ne le seront plus dès que les murs auront été poussés, et que d’autres structures pourront en héberger, une capacité de 50 lits est visée.
Enfin, il faut maintenir la cadence de ravitaillement en masques, « les commandes sont arrivées, mais le CHM en utilise 1.000 par jour pour les besoins des soignants ». Sur le plan national, ce besoin se monte à 15 millions pour les seuls soignants, selon Lamine Gharbi, président de la Fédération de l’hospitalisation privée. Revenons sur la pénurie nationale, datant de 2011 quand le gouvernement d’alors avait décidé de ne pas renouveler le stock de 723 millions de masques FFP2, en raison d’une gestion complexe des stocks, invoque libération.fr, décision entérinée en 2013 car jugés « trop coûteux », selon bfmtv.com, elle a été aggravée par une commande tardive des autorités françaises, fin janvier, et une centralisation de la production en Chine, stoppée au début de la contagion car située à Wuhan. Ajouté à la pénurie de tests, la seule solution restait le confinement de la population. Paralysant le pays. Pour quelques économies pratiquées sur l’achat de masques et le manque d’anticipation…
Le conseil départemental commande 300.000 masques
Dominique Voynet nous informe avoir décidé « d’élargir le cercle de distribution en dehors des soignants hospitaliers ». Nous avons été interpellés sur le sujet de la protection par Mirhane Ousseni et Chrystel de Bricourt, les deux directeurs de Dagoni-Services, Servie d’Aide et d’accompagnement à domicile (SAAD). En l’absence de maison de retraite et d’EPHAD à Mayotte, les 120 salariées de leur structure s’activent auprès des personnes dépendantes : « Elles leur font la toilette, les changent car certains portent des couches, leur préparent au moins un repas par jour, etc. »
Mais comme dans les EPHAD en métropole, les risques de contamination sont grands : « Nos salariées ont eux-mêmes des enfants, qui peuvent être des porteurs sains. Nous avons donc besoin de les doter de masques sous peine qu’elles contaminent ces personnes déjà affaiblies. » L’urgence est grande, puisque la situation de ces salariées dépourvues de masques, qui « montrent un courage incroyable pour continuer dans ces conditions », amène les deux dirigeants à s’interroger : « Nous sommes face à un dilemme terrible, continuer à veiller sur les personnes âgées en perte d’autonomie et/ou porteuses de handicap dont nous avons la responsabilité au risque de les contaminer, ou arrêter et laisser 250 personnes âgées sans aide quotidienne pour leur toilettes, repas etc. »
Dominique Voynet rassure : « Notre première priorité, c’est le secteur médico-social, et certains sont à la frontière, notamment les SAAD. C’est pourquoi en plus de Mlézi, de ADSM ou la Croix rouge, nous avons doté notamment Dagoni-Services et les structures comparables. Il s’agit de masques périmés, que nous avons testés, et remis en circulation parce qu’ils ont été stockés dans de bonnes conditions. » Quant au secteur social pur, c’est aux communes et au Département de doter ces structures en masques, « même si nous les accompagnons en attendant que la commande de 300.000 masques du conseil départemental arrive. »
Anne Perzo-Lafond