4 millions d’euros pour la surveillance aérienne des frontières et 2 nouveaux intercepteurs de kwassa, ce sont les deux annonces phare du ministre de l’Intérieur ce samedi, auxquelles il faut rajouter le million d’euros débloqué chaque année pour doter les communes de caméras de video protection dans le cadre de la lutte contre la délinquance. C’était l’occasion d’évoquer le cas des mairies dont la croissance de la population les autorise à passer d’une zone gendarmerie à une zone police, aux effectifs plus stables sur place. C’est le cas de Koungou, « le maire l’a demandé, nous allons l’étudier, mais il faut réfléchir aux frais de déménagement et voir s’il ne serait pas plus productif en les allouant à des moyens supplémentaires », jugeait le ministre de l’Intérieur. Nous apprenons d’ailleurs que le bâtiment de la brigade de gendarmeriede Koungou et assis sur deux communes, Koungou et Mamoudzou, cette dernière étant en zone Police…
Le tout sécuritaire n’est évidemment pas la seule réponse sur un territoire où sévit une forte délinquance juvénile, « je le dis à Mayotte comme sur le territoire national, on est responsable quand on est parent », répétait à plusieurs reprises Gérald Darmanin. Qui disait comprendre la difficulté des familles monoparentales, « dans ce cas c’est au Département à se substituer à cette autorité, nous allons voir comme nous allons l’aider ». Depuis 2016, l’Etat compense à hauteur de 10 millions d’euros chaque année la prise en charge par l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE) du conseil départemental. Un accompagnement supplémentaire est annoncé par Sébastien Lecornu, « dans le cadre de la loi Mayotte, nous allons renégocier cette convention », on peut penser à la hausse. « Nous devons aider le conseil départemental à exercer cette compétence de l’Aide Sociale à l’enfance, notamment en formation des travailleurs sociaux, et sur les PMI. »
10 millions d’euros pour l’enfance
La grande annonce sur l’enfance, c’est la décision de débloquer 10 millions d’euros pour la jeunesse mahoraise, « à travers notamment la création d’une nouvelle compagnie au RSMA qui permettra d’accueillir 120 jeunes supplémentaires », un coût de 7 à 8 millions d’euros. Mais aussi un accompagnement spécifique pour les très jeunes, « plus d’un million d’euros sera débloqué à destination d’associations spécialisées pour les jeunes en déshérence. On ne peut pas proposer une même réponse pénale pour un gamin de 8 ans que pour un de 15 ans. On peut avoir une réponse ferme mais éducative. » Au sein de la loi Mayotte est également mentionné un accompagnement des étudiants, du centre universitaire, du CROUS, etc.
Troisième corde à l’arc du retour à l’apaisement, la justice, « le garde des sceaux sera amené à se rendre à Mayotte ». L’hypothèse d’un Centre Educatif Fermé, souhaité par l’ancien procureur Joël Garrigues, est enfin sur la table. Sans arrêt remis au lendemain par le ministère de la Justice pour son coût au regard du nombre de mineurs pris en charge, « 12 ou 15 », il revient cette fois sérieusement à l’étude, « je crois à a stratégie des petits pas, lançait Sébastien Lecornu, la vice-présidente du tribunal judiciaire a indiqué que cet outil était attendu par la population et l’institution judiciaire ». Alternative à la prison pour les mineurs, le CEF est un des dispositifs de placement placé sous l’égide de la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ).
Un an sur place avant la naissance
Le ministre de l’Intérieur le soulignait, les policiers et des gendarmes sont « des urgentistes de la situation », ce qui implique en amont « le travail du ministère de l’Education nationale, des Outre-mer ou de la Justice ». Ces autres chapitres, c’est la loi Mayotte qui les aborde, « elle doit permettre d’achever la départementalisation », pour Sébastien Lecornu, avec « une communauté de projets, pour parler après le régalien, de développement, économique et sanitaire, etc ». Elle intègrera notamment la convergence des droits sociaux, « il n’y a pas de raison que les Mahorais n’aient pas accès aux mêmes droits que les autres DOM », tout en glissant une échéance à 2031.
Contrairement à leurs prédécesseurs, les deux ministres n’ont pas prononcé le mot « appel d’air », tentant de jongler entre les concepts, « il faut rendre moins attractif le territoire mahorais sur l’accès à la nationalité française et les minimas sociaux, et accepter que ceux qui y soient de façon régulière soit intégrés, cela permettra à tous de pouvoir accéder au service public alors qu’il est actuellement mal rendu », commentait Gérard Darmanin. Et pour le rendre moins attractif, la loi Mayotte prévoit de lutter contre les filières de passeurs, et « traquer les circuits financiers entre les Comores et Mayotte, avec beaucoup de liquidités qui partent de Mayotte. »
Mais surtout, et c’est une mini-révolution qui vient agrandir la brèche creusée par le sénateur Thani Mohamed Soilihi dans le droit du sol : alors que ce dernier avait obtenu que l’un des parents d’un nouveau-né ait séjourné depuis 3 mois avant sa naissance de manière régulière à Mayotte avant de pouvoir demander la nationalité française, le ministre Darmanin indiquait qu’il fallait désormais « une année sur le territoire mahorais pour un des deux parents », une mesure initiée par le ministre des Outre-mer qu’il jugeait « révolutionnaire ». Elle devra évidemment passer par les fourches caudines du conseil constitutionnel, ce qui n’est pas gagné !
Nous avons interrogé le député Mansour Kamardine sur cette mesure : « Elle va évidemment dans le bon sens, mais elle ne va pas assez loin. On ne peut plus utiliser notre législation pour la détourner. Bien sûr qu’il faut aider les mères à accoucher, mais il faut ensuite les inciter à rentrer chez elles. »
Pour bloquer les flux migratoires, l’idée d’installer une base avancée sur l’îlot Mtsamboro, émise par le capitaine de police Chamassi il y a plusieurs années, n’avait jamais rencontré de véritable écho. Là aussi, l’air du temps évolue, puisque le ministre de l’Intérieur nous répondait tout de go que le projet était à l’étude : « C’est tout à fait imaginable. Avancer la base des gendarmes qui interviennent en front office avec les Comores demande une réorganisation et un dégagement de foncier dont il faut discuter avec les collectivité locales ».
Egalement inscrite dans la loi Mayotte, la demande d’asile accélérée permettra de « régler plus rapidement les dossiers des ressortissants des pays où on sait qu’il n’y a pas trop de problèmes ».
Une loi qui ne sera pas votée sous l’actuel gouvernement, et vu le nombre de réformes qui la composent, ce n’est pas rassurant. Seule certitude avancée par S. Lecornu, « elle sera présentée par le gouvernement au Parlement cet automne. »
Les ministres poursuivaient ensuite leur visite par la visite du poste de police municipale, avec déroulé de tapis rouge voulu par le maire Moudjibou Saidi.
Anne Perzo-Lafond
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