Finalement, il est un sujet sur lequel les signataires d’une tribune adressée aux élus rejoignent les grévistes de l’ARS de Mayotte: l’écart entre les annonces du Plan régional de Santé 2 et la pratique, “l’état de santé de la population mahoraise ne cesse de se dégrader dans l’indifférence la plus totale”, dénoncent-ils dans une tribune adressée aux candidats aux départementales.
Il plus courant d’entendre ces médecins, infirmiers, infirmières, psychiatres, chirurgiens, etc. se plaindrent dans le huis clos de leur cabinet ou de leur salle de soin, que de se répandre sur la place publique. Ils soulignent le décalage entre les mesures dédiées à la prise en charge du Covid et celles qui sont appliquées pour les autres maladies: “A ce jour et depuis le début de la crise, 173 décès liés au virus Sars-CoV-f2 sont à déplorer. En revanche, nous n’avons aucune idée de l’état de santé global des Mahorais. Au cours de cette même période, combien sont morts des complications du diabète ? Combien ont été durement touchés par les AVC, les infarctus, les cancers, la dengue et autres maladies infectieuses ? Nous n’en savons rien. Les chiffres n’existent pas, n’existent plus.” Or, sans bon état des lieux, aucun remède n’est efficace.
Sur le plan des compétences, ils révèlent une situation qui se complique : “Au Centre hospitalier de Mayotte, les médecins et infirmiers partent progressivement pour ne plus revenir. Pas ou plus de cardiologue, d’ophtalmologue, d’ORL, de gastro-entérologue, d’endocrinologue, de psychiatre… La maternité est en train de craquer, les sages-femmes nous l’ont signifié avec force dernièrement. Les perturbations régulières du service de radiologie et du laboratoire retardent les examens complémentaires. Les services d’hospitalisation sont saturés par manque chronique de lits et de personnel. La Réanimation a encore tiré la sonnette d’alarme récemment à ce sujet. Et toujours aucun service d’interprétariat digne de ce nom pour accompagner les patients et leurs familles dans les soins, les annonces diagnostiques et les décès.”
Des motifs impérieusement aggravants
Le secteur libéral et associatif est lui aussi touché: “Faute d’équipes complètes, les PMI ne sont plus en capacité de réaliser leurs missions de suivi de grossesse et d’éducation à la santé auprès des mères, de nombreux enfants n’ont pas leur calendrier vaccinal à jour, et les pathologies infantiles restent légion, comme en témoignent la récente épidémie de bronchiolite et les maladies du péril fécal toujours très présentes.”
Alors que tous les soins ne sont pas proposés sur le territoire, les prises en charge extérieures ont été ralenties voire empêchées par l’application des motifs impérieux, doublée par la vaccination anti-Covid, “des mesures profondément discriminatoires imposées à la population de Mayotte”.
Quant à la santé mentale, qui devrait recevoir une attention particulière au regard de certains comportement de violence, elle est laissée à l’abandon, rapportent les soignants, notamment marquée par “la fermeture du Centre Médico-psychologique”. “Quid de l’état psychologique de nos adolescents, après une année scolaire blanche où leur détresse s’est manifestée par le décrochage, la dépression, l’anxiété, les tentatives de suicide ?”
La Réserve sanitaire comme 4ème roue d’un carrosse fatigué
Bien que la crise Covid justifie les recours plus réguliers à la Réserve sanitaire, c’est aussi un signe, celui de “la défaillance du système de santé à Mayotte”.
Nous avions souligné l’importance de la mise en place de la Santé communautaire, qu’avait initié l’institut Renaudot à Mayotte, “où s’est-elle volatilisée?”, interrogent-ils, évoquant aussi la démocratie sanitaire. Cette santé communautaire qui implique que la population devient actrice et prend en charge son état sanitaire, a été timidement mise en place dans le cadre du Covid, mais elle doit interroger l’ensemble des problématiques, notamment celle du diabète.
On pourrait rajouter un point lié aux précédents, l’absence de campagne de planification familiale, et ce n’est pas faute de prise de parole de plusieurs acteurs locaux d’avoir rappelé que le “1, 2, 3, bass” (Pas plus de 3 enfants), avait jadis fonctionné.
La quarantaine de soignants qui signent cet appel aux élus soulignent l’importance de prendre à bras le corps ce qui devrait être “sur le devant de la scène publique lors des campagnes électorales”: “Êtes vous à ce point désintéressés du bien-être de la population que vous aspirer à représenter ?”
Si l’ARS n’est jamais citée, c’est elle qui détient la compétence de gestion de la politique de santé. “Si nous ne réagissons pas rapidement, notre île court à la catastrophe sanitaire réelle”, concluent-ils. Etant donné le contexte tel qu’ils le décrivent, on se demande si la prise de parole n’est pas déjà trop tardive.
Consulter la Lettre ouverte aux candidates et candidats des Cantonales 2021
A.P-L.
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