Saïd Omar Oili, maire de Dzaoudzi-Labattoir, recevait chez lui, en tenue religieuse, pour annoncer la candidature de son parti Nema aux départementales prochaines. Au centre des attentions, au centre de la table, un candidat à sa droite, une candidate à sa gauche, c’est lui qui prend le micro en premier pour répondre aux questions des journalistes. Aucun doute, l’ancien président du conseil général (expression qu’il continue à employer d’ailleurs), maire de Labattoir et président d’honneur du parti Nouvel Elan pour Mayotte (Nema) veut peser de tout son poids politique dans la candidature de Maymounati Moussa Ahamadi, actuellement directrice de la Chambre régionale de l’économie sociale et solidaire (CRESS) et de Ali Omar, anciennement directeur des affaires régionales et européennes au Conseil départemental.
Mais s’il est impulsé par le mentor “S2O”, le duo veut mettre sa jeunesse dans la balance. Le mot d’ordre de la candidature du mouvement NEMA, c’est “la jeunesse”, pour répondre aux défis du département dans “un monde connecté”. Pour Saïd Omar Oili, aucun doute, les changements sociétaux, et les 60% de moins de 20 ans dans la population de Mayotte sont le signe qu’il faut passer la main à la nouvelle génération. Le candidat Omar Ali confirme qu’est venu le temps de la génération née après les années 1970, celle qui “n’a connu que l’école de la République, pas celle des Comores” et qui seule pourra mettre fin aux tensions “entre serrez-la-main (les partisans de l’indépendance de Mayotte NDLR) et sorodas (partisans de Mayotte française) qui n’ont plus lieu d’être” juge le candidat, approuvé par le maire de Labattoir.
“Les Mahorais vivent dans un grand désespoir”
Dans ce contexte, “il faut être visionnaires et précurseurs. On est dans un pari pour la jeunesse” assure Maymounati Moussa Ahamadi. “Toutes les infrastructures qu’on doit mettre en place, tout ce qui est en lien avec la formation, même ce qui concerne les personnes en état de vieillesse concerne en fait la jeunesse”.
Son binôme Omar Ali met lui à profit son expérience de technicien en matière de fonds européens et de coopération régionale. “Les Mahorais vivent dans un grand désespoir et une qualité de vie qui n’est pas à la hauteur de leur combat pour Mayotte française. Nous devons redonner la liberté de circuler librement, de vivre librement dans des conditions libres, en pouvant s’instruire, travailler, se loger. Notre candidature nous souhaitons l’inscrire dans ce changement et cette modernité. Nous devons changer avec des hommes capables de travailler au quotidien pour la population.”
Là où le travail du Nema sera facilité, c’est que certaines grandes lignes de son programme (qui sera dévoilé en détail plus tard assure Saïd Omar Oili) sont déjà en cours de réalisation. En premier lieu, le recensement. Pour l’élu, la première étape est de “maîtriser les données, la géographie et la démographie”, comment mener des politiques publiques, s’interroge-t-il, avec des données “qui ont 10 ans”. Raison pour laquelle l’Insee a d’ores et déjà mis en place le recensement annuel sur l’île.
De même, concernant la jeunesse, l’équipe plaide pour des formations adaptées aux besoins du territoire. Le PUIc, plan pluriannuel d’investissement dans la formation, signé en 2020 entre le président Soibahadine et le préfet, va justement dans ce sens. C’est aussi le leitmotiv défendu par le recteur Gilles Halbout.
Ensuite, Nema veut mettre l’accent sur le social, qui est déjà le premier poste de dépense du conseil départemental. “L’action sociale doit être au cœur de notre projet, je suis assistant social de formation, les familles sont très pauvres, il faut que l’état nous accompagne dans la lutte contre la pauvreté à Mayotte pour que Mayotte puisse s’en sortir. Les défis sont nombreux” détaille Omar Ali.
77% de pauvreté
“Le premier objectif que nous avons est de ne pas subir Mayotte mais de la choisir, renchérit sa binôme. Les gens vivent à Mayotte par dépit ou par amour, le plus important c’est de choisir Mayotte, c’est à dire avoir les conditions agréables de vie, par l’habitation, la formation, le cadre de vie. Mayotte est le territoire le plus pauvre d’Europe après la Bulgarie, on est à 77% de pauvreté, toutes les politiques publiques doivent converger sur la lutte contre la pauvreté.”
Pressé de fournir des idées d’action concrète, Saïd Omar Oili reprend le micro pour proposer des aides départementales à l’installation de compteurs d’eau, pour réduire le coût d’accès à cette ressource vitale. “Il faut que le CD puisse donner une subvention d’équilibre pour aider les familles à payer le compteur moins cher. Il faudra aux candidats faire en sorte que l’accès à l’eau soit quelque chose de simple” plaide le maire.
Globalement, on note aussi des orientations largement tournées vers Petite Terre, où le parti Nema trouve ses racines. “Mayotte ce n’est pas que Grande Terre, c’est un tout. Quand on paye un yaourt 1.20€ en Grande-Terre, on le paye 1.40€ en Petite-Terre car il y a un coût de barge, ce n’est pas normal. Les habitants de Petite-Terre ont besoin d’être soutenus aussi. Nous souhaitons que Mayotte soit unie, qu’on vive à Bouéni, Mtsamboro ou Pamandzi, qu’on ait les mêmes services et les mêmes prix sur tout” réclame Omar Ali.
Interrogés sur la sécurité, les candidats renvoient vers le social, et c’est sans doute là la grande nouveauté de leur discours dans un paysage politique où la répression trouve plus facilement écho.
“Les 5000 mineurs isolés doivent pouvoir être répartis sur le territoire national”
” Jusqu’à présent on n’a traité que les effets, il faut traiter la cause!” clame Saïd Omar Oili. “Quand des enfants sont là mais n’ont pas de perspective, que voulez vous qu’on fasse ? Pourquoi quand ils ont leur bac, certains ont le droit de partir et d’autres pas ? Notre perspective est de donner leur chance à tous les enfants élevés à Mayotte. En 2016 il y avait 600 policiers et gendarmes. On a plus que doublé les effectifs et la violence augmente. Est ce qu’on doit continuer sur ce chemin, ou “changer vraiment” ? Le problème est peut être social, familial, éducatif ? Nous pensons que la prison ne va rien régler, il faut des alternatives. Quand il y a la volonté, on trouve des solutions.”
Pour Omar Ali, “les 5000 mineurs isolés doivent pouvoir être répartis sur le territoire national” estime-t-il, renvoyant à la circulaire Taubira et à la solidarité nationale. “Une des solutions passera aussi par le dialogue avec l’état comorien” juge-t-il également, considérant que “l’intérêt supérieur de l’enfant est d’être avec ses parents” quand ceux-ci sont aux Comores.
Pour Maymounati Moussa Ahamadi, l’accompagnement de la jeunesse passe aussi par des formations innovantes. Rattrapée par sa fibre “circulaire, sociale et solidaire”, elle s’interroge à son tour. Pourquoi ne pas avoir des structures qui forment sur le recyclage ? Pourquoi ne pas avoir des ressourceries ?”
De fil en aiguille, les grands mots ont tissé un peu de concret. En attendant le programme complet, la liste aura réussi son premier pari à quelques mois des élections : se faire connaître.
Y.D.
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