A Mayotte, 3 quartiers ont été désignés comme prioritaires pour leur rénovation, Kawéni, La Vigie et Majicavo-Koropa, dans le cadre du NPRU, le Nouveau Programme de Renouvellement Urbain. Il permet de déployer de nombreuses actions, comme nous l’explique Djamil Abdallah, Chargé de mission insertion, emploi et développement économique à la mairie de Koungou : « En 2019, lors de la tenue de la grande foire Ramadan, le conseil citoyen a fait le constat d’un habitat peu mis en valeur dans ce quartier si visité. Il a alors proposé à la Politique de la Ville de l’Etat de l’accompagner dans l’embellissement des façades. Monter un chantier éducatif apparaissait alors comme une évidence. Et généraliser l’insertion aux autres secteurs c’est imposé. Mais avant tout il faut former. Et expliquer dans quel objectif, car quand il entend parler de formation, le réflexe du jeune c’est de demander, ‘je serai payé ?’. Il faut les aider à dessiner leur avenir. Et le NPRU était là au bon moment pour nous accompagner, ça tire tout le monde vers le haut»
L’embellissement des façades apparaît comme le projet phare, mais d’autre vont suivre. Après avoir « fait le forcing », ils ont obtenu l’implantation d’une antenne de la Mission locale à Majikavo Koropa (MK), « sur un village sinistré par 40% de chômage, c’était indispensable. »
Sur le terrain, chacun s’active un pinceau à la main pour le grand chantier en cours : « Il s’agit à la fois de permettre aux habitants qui le souhaitent de repeindre les façades extérieures de leurs maisons, d’améliorer l’image du quartier qui souffre d’une mauvaise réputation et de faire travailler les ressources de Mayotte en sollicitant une entreprise de peinture locale, RENOV 976 d’Ibrahim Majani à Koungou qui a mis sur pied le chantier éducatif ».
Le quartier va se parer peu à peu des couleurs de l’arc-en-ciel, explique Ousseni Mohamad, Chargé de la Gestion urbaine de Proximité : « Nous avons proposé 5 couleurs aux habitants, chacun choisit. Nous nous attaquons à la partie haute de la rue du Commerce à Dubaï, de la mosquée à la fin de la route en bitume, sur 126 maisons, puis dans un 2ème temps, nous travaillerons sur le tronçon de la route à la mosquée, et chaque année, nous poursuivrons sur une nouvelle tranche. » Dans le cadre de ce chantier éducatif, l’entreprise RENOV 976 encadre des jeunes à former et des membres du conseil citoyens.
Un garage solidaire à deux portes de sortie
Et des exemples comme celui-ci, Majikavo Koropa les multiplie grâce au Plan Local d’Application de la Charte d’insertion (PLACI) qui a été signé par plusieurs partenaires locaux (DIECCTE, Préfecture, Pôle Emploi, Mission Locale, FMBTP, SIM, MEDEF, La CRESS…) et validé par le conseil municipal en 2018. « Ce document encadre la politique d’insertion des publics éloignés de l’emploi dans le cadre du NPRU ».
C’est lui par exemple qui permet de mettre en place des clauses sociales d’insertion dans les marchés de travaux, avec la Chambre de l’Economie Sociale et Solidaire comme facilitateur. Si c’est sexy sur le papier c’est plus compliqué à mettre en place puisque de plusieurs chefs d’entreprise préfèrent payer une pénalité plutôt que d’encadrer un jeune démotivé. « C’est notre rôle de préparer et de former ces jeune en amont. De leur expliquer ce qu’est une entreprise de BTP. Et pour cela, nous passons par les Centres Communaux d’Action sociale, les CCAS. Ils étaient exagérément positionnés sur les personnes âgées, les jeunes ont été laissés de côté. Ainsi, le CCAS de Koungou porte la formation ‘petit bâti’ qui forme les jeunes pour répondre aux chantiers sociaux d’insertion, mais aussi le concept innovant de garage solidaire. »
Financé à hauteur de 600.000 euros par la Politique de la Ville de l’Etat et le conseil départemental par le Fonds de solidarité, ce garage solidaire qui doit se monter en Vallée III à Longoni, permettra d’encadrer 12 jeunes en file active, grâce à un encadrant technique et un conseiller en insertion. « Les jeunes sélectionnés doivent être inscrits à la Mission Locale, ou suivis par le CCAS. Ils seront formés au métier de mécano, pour formaliser les garages informels. Avec deux sorties positives : le jeune pourra être accompagné pour créer son propre garage ou partir en métropole se former à d’autre métier du secteur, carrossier, entretien des moteurs, etc. Nous travaillons avec deux garages partenaires où les jeunes iront en stage, celui de Trévani et celui de Longoni. » Le bureau d’étude de Julien Beller a été retenu.
En découlent d’autres projets, « le lavage des voitures avec récupération des eaux de pluies, les scooters électriques, etc. »
Un Douka Be maison
D’autres Ateliers et Chantiers d’Insertion sont en cours : « Le chantier de résorption de l’habitat Insalubre du Talus, qui contruit 30 maisons en lieu et place d’un quartier insalubre détruit, un autre marché RHI sur la voirie interne avec démolition des maisons également, et le gros chantier de construction du lycée du BTP de Longoni. »
Le service de Djamil Abdallah traque la moindre occasion de placer les jeunes du quartier : « Lorsque Jumbo a annoncé vouloir implanter un Douka Be, nous avons rencontré son directeur pour que les résidents y travaillent. Un jeune qui se retrouve face à un habitant de Majikavo Koropa qu’il connaît ne va pas faire l’andouille. » Sur son bureau trône une pile de CV des jeunes du coin qu’il est prêt à dégainer.
Si le NPRU ressemble à une solution miracle, c’est que des battants en détiennent les ingrédients. Parmi le petit noyau sis à la mairie Annexe de Majicavo Koropa, tous quasiment sont membres d’un conseil citoyen dynamique. A contrario, celui de Koungou semble au point mort. « Nous allons élargir ce dispositif à tous les quartiers de la commune, c’est une des recommandations de l’ANRU », rassure Djamil Abdallah. Surtout qu’entre les jeunes de Koungou et de MK, ce n’est pas le grand amour, « ceux de Koungou n’osent même pas venir s’inscrire à la Mission locale, je suis obligé de les emmener en voiture ! »
Rachi Farda, adjointe au maire Chargée de l’Aménagement et de la communication, de passage tous les jeudis, acquiesce : « Il existe toujours un phénomène de bandes entre eux, mais on voit que grâce aux chantiers d’insertion, elle commence à se tasser. »
Si on le laissait parler, Djamil poursuivrait sur ses idées de chantiers d’insertion, « on accompagne aussi les jeunes qui veulent passer le permis bateau, que ce soit pour être pêcheurs ensuite ou pour lancer une activité de loisir. S’il y a un seul message à faire passer, c’est que l’insertion par l’activité économique c’est LA réponse à cette jeunesse.
Anne Perzo-Lafond
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