Mexico, 1985, intervention sur un séisme, Brazzaville, 1997, mission en pleine guerre civile, Indonésie 2005, soigner les victimes d’un raz de marée… A la liste des 13 missions, l’ESCRIM va pouvoir rajouter : Mayotte, 2021, épidémie de Covid. Car les 35 hommes et femmes qui composent l’Elément de la sécurité civile Rapide d’Intervention médicalisée sont arrivés sur un territoire sinistré, mais pas par une catastrophe naturelle : parmi ces missions, celle de se déployer « sur un territoire où les infrastructures sont absentes, détruites ou insuffisantes ».
D’habitude, c’est quasiment le couteau entre les dents que ces spécialistes en chirurgie (DAC) de Nîmes, et en appui médical (DAMHO) de Brignoles – les deux unités qui composent l’ESCRIM – débarquent sur un territoire sinistré. « On monte les tentes et on installe les lits picots, mais à Mayotte, on a eu droit à une structure toute neuve ! », s’exclame Isabelle Arnaud, médecin chef de la structure. Arrivés jeudi dernier dans des murs quasi vides et fraichement peints du tout neuf hôpital de Pamandzi, ils étaient quasiment opérationnel 48h après, « d’entrée, nous avons pu sauver un petit garçon de 2 ans », rapporte le lieutenant-colonel Michel Cherbetian qui dirige la mission. Il a été choisi pour son profil de Chef des opérations et de planification à Nîmes, où il travaille avec l’ARS et en interministériel.
L’épidémie de Covid et ses malades qui frappaient à la porte des urgences surchargée au CHM de Mamoudzou auront permis de forcer l’ouverture de l’hôpital de Pamandzi, structure dont la 1ère pierre avait été posée en 2015 par le 1er ministre de l’époque Manuel Valls. Et d’accueillir ce lundi, le préfet de Mayotte et la directrice de l’ARS.
De l’oxygène pour le SAMU
Une structure qui fait des heureux chez les malades et le personnel soignant, mais pas seulement : Saïd Omar Oili, maire de Dzaoudzi-Labattoir, et président de l’intercommunalité de Petite Terre était tout ému de saluer l’ouverture de la structure : « Lorsque j’étais président du conseil général, j’avais fait voter la délibération pour que cet hôpital se tienne à Pamandzi ». On parle là des années 2006 ou 2007, « à l’époque, les Pamandziens étaient nos ennemis » croit bon de rajouter le maire de Dzaoudzi. Difficile pour Jean-François Colombet de ne pas lâcher un, « ça a bien changé ! », narquois. A l’époque en tout cas, la décision du conseiller départemental de Dzaoudzi avait été vécue comme une trahison par les habitants de son canton, « ils ont campé devant chez moi pendant plus de 2 semaines en guise de protestation, mais je voulais sécuriser le foncier ».
Là, l’hôpital n’a pas d’autre destinée que d’accueillir la population de Petite Terre. S’il était destiné au départ aux Suites de soins et à la Réadaptation, il a fallu s’adapter au contexte de crise et installer des urgences au rez-de-chaussée, gérées par l’ESCRIM. « Cette mise en place a considérablement allégé la charge pesant sur le SAMU, puisque nous ne sommes plus tributaires des barges la nuit, les prises en charge à l’hôpital de Pamandzi peuvent se faire H24 », rapporte Christophe Caralp qui chapeaute le SAMU.
Un bateau-ambulance pour l’hôpital
Pour autant, ce n’est pas encore la grande foule aux portes de l’hôpital, « ça va se savoir avec le bouche à oreille », assure Michel Cherbetian.
La progression est en effet rapide, puisque dès le lendemain de leur arrivée, vendredi, 10 personnes non Covid étaient accueillis aux urgences, samedi c’est 20 personnes, dont 3 positives au virus et dimanche 30, dont 4 covid+. « Ce matin, nous avons reçu deux patients Covid en détresse respiratoire aiguë, nous avons pu les stabiliser, l’un a été transféré par le SAMU au CHM de Grande Terre. Nous pouvons désormais les garder la nuit, en attendant que le service des barges reprennent », rapporte Isabelle Arnaud. Ce lundi soir, 3 personnes avaient été gardées aux urgences au rez-de-chaussée, et en haut, en médecine, 14 lits sont occupés par le transfert des malades de l’hôpital de Pamandzi. « Nous aurons une capacité de 50 lits quand nous ouvrirons totalement le SSR, Service de Soins et de Réadaptation », explique Dominique Voynet.
Pour l’instant, et pour s’adapter au contexte, le service pourrait se doter d’un R supplémentaire, un SSRR, puisqu’on a vu que des cas de Réanimation se présentaient : « Nous n’avions pas prévu ce schéma dans la conception initiale de départ. Nous nous sommes donc adaptés en installant des obus d’oxygène de 50 litres au lit des patients, et en cas de forte consommation, nous avons positionnée ici la citerne de 17.000 litres déchargée par le ‘Pourquoi pas ?’ »
Un confort indéniable, et qui appelle à se projeter sur l’après ESCRIM, comme l’explique Dominique Voynet : « Leur mission initiale est de un mois, mais cela pourra être prolongé ». Un arbitrage entre les ministères de l’Intérieur et de la Santé, auquel est rompue l’ancienne ministre. Qui fait deux annonces aux médias présents : « Pour améliorer le service, nous allons équiper l’hélicoptère de l’hôpital pour les vols de nuit, et nous réfléchissons à l’achat d’un bateau-ambulance ». Actuellement, les ambulances doivent barger, moyennant de la place à bord, ce qui n’est pas toujours évident.
Quand à l’avenir de l’hôpital après cette ouverture anticipée, la date de son inauguration n’est pas encore connue : « Il faut intégrer la phase de levée de réserves en faisant le tour de toutes les installations, elle est incompressible et dure 2 mois, et nous devons installer le bloc opératoire et son équipement, ainsi que la radiologie. » Un délai d’au moins 6 mois selon la directrice de l’ARS Mayotte, qui évoquait d’autres travaux à mener : “De toute façon, la nécessité de désengorger le CHM par la construction d’un deuxième hôpital d’équilibre sur la côte Ouest n’est plus à prouver”.
Anne Perzo-Lafond
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