Nous avons rencontré Jean-Marie Cavier au Commissariat ce mercredi, pour une interview 3 en 1, avec le commissaire Sébastien Halm, Chef du service territorial de sécurité publique de la DTPN, et le commandant Mehdi Embark, Chef du Service Territorial de la Police judiciaire.
C’est donc dans un canon à trois voix qu’ils répondaient à notre première question : Ce regroupement des services en DTPN, est-il synonyme d’économies d’échelle ?
Jean-Marie Cavier : « Pas du tout, c’est une efficacité supplémentaire, une interaction entre les filières. Lorsque je suis arrivé en août 2019, il y avait 200 policiers à la PAF, désormais, ils sont 320, doublés de 4 intercepteurs* remplacés et en l’état. Ce qui nous a permis de parvenir à 27.500 éloignements en 2019. Du côté de la Police nationale, nous avons 45 policiers supplémentaires, portant l’effectif total de la DTPN à 710 personnes. Tous les véhicules ont été remplacés. Grâce à cette force de frappe, nous pouvons déployer les moyens sans passer par une autre direction, ou des autorisations supplémentaires. Nous fonctionnons en autonomie, un seul chef a les compétences sur l’ensemble de la filière. Nous dépendons du préfet et de la Direction générale de la Police nationale. »
Sébastien Halm : « Cela permet d’uniformiser les méthodes de travail. Les services de la prévention, du partenariat, du judiciaire et de la lutte contre l’immigration clandestine, travaillent ensemble, avec des premiers bons résultats, pour une DTPN qui n’a qu’un an. Par exemple, lorsqu’il y a eu les mouvements de jeunes le 3 septembre à la suite de la grève des transports scolaires, nous avions anticipé. D’habitude, dès qu’il y a suspension des bus, ils sont tous dans la rue. Là, 10 jours auparavant, à la rentrée scolaire, on nous a remonté 6 affaires de rixe entre bandes aux alentours du lycée Bamana. Nous avons effectué 15 interpellations dès le 1er jour, le calme est revenu. Et le 3 septembre, quand tout s’est déclenché sur l’ensemble de l’île, nous avons pu mobiliser la PAF en plus, ainsi que le GAO, le Groupe d’Appui Opérationnel. »
Mehdi Embark : « Sur la partie judiciaire, nous avons créé le GELIC, le Groupe d’Enquête dans la lutte Contre l’Immigration Clandestine. Nous avons démantelé de nombreuses filières comoriennes et africaines, touchant des faux papiers, des kwassas, etc. Avec 40 mises sous écrou à Majicavo. Sur les affaires de violences urbaines à Mamoudzou dont parlait Sébastien Halm, 14 sont élucidées, et la 15ème en passe de l’être. »
Le territoire connaît une flambée de la délinquance, notamment avec une hausse de 47% des vols violentes en 2020. Est-ce que cette organisation est suffisante ? Vous manque-t-il des effectifs ?
Jean-Marie Cavier : « On ne peut pas vraiment parler d’accroissement de la délinquance. Elle n’est pas vraiment plus importante, mais plus violente. C’est le préfet qui vous donnera les chiffres, mais les nôtres sont bons. Le doublement des effectifs du GAO et du matériel a porté ses fruits. »
Sébastien Halm : Pour les interventions de nuit, nous avons renforcé les unités en nombre et en matériel. Nous avons démontré que les phénomènes de vengeances entre bandes s’arrêtent quand la réponse policière est à la hauteur. Nous avons pu le faire grâce à la vidéo au Baobab, et grâce à des investigations poussées à Passamainty. Mais nous avons encore des marges de progrès, notamment dans le travail de police de proximité, il faut former nos agents. Dans ce domaine, nous avons montré l’efficacité des Services civiques, un travail mené avec le rectorat, sur le surveillance des établissements scolaires notamment. Nous sommes passés de 26 à 150 services civiques après avoir obtenu un budget supplémentaire. En baissant la pression autour des établissements scolaires, nous ne subissons plus la délinquance.
Nous avons aussi noué des liens avec les transporteurs scolaires. Même s’il y a encore des caillassages, nous avons progressé. Même effet positif de partenariat avec la mairie de Mamoudzou et le Pacte de sécurité, amenant de l’éclairage public, de la vidéo protection et des caméras. »
Jean-Marie Cavier, vous allez partir en Nouvelle-Calédonie, quel message allez-vous transmettre à votre successeur ?
Jean-Marie Cavier : « Que Mayotte est un territoire hors norme, qui nécessite beaucoup d’engagement. Je n’ai personnellement pas pris un jour de congés en trois ans. Je dois partir dans un mois environ, nous allons tout faire pour qu’il y ait un tuilage. »
Son successeur est connu, Laurent Simonin était contrôleur général à la Direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC). Avant que son nom ne soit médiatisé dans l’affaire Benalla, où il était mis en cause pour avoir, vraisemblablement sur ordre, transmis des images de vidéosurveillance à ce proche de Macron. Pour avoir travaillé avec lui, Sébastien Halm se réjouit de retrouver un homme d’une organisation « méthodique » dans le travail. Même s’il regrette déjà Jean-Marie Cavier, « je voudrais souligner la bonne ambiance qui régnait au commissariat pendant ces années. »
L’expérimentation de la DTPN à Mayotte, en Guadeloupe, en Guyane et en Nouvelle-Calédonie, pourrait être étendue cette année à trois gros départements français.
Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond
* Trois sont opérationnels actuellement, mais l’intercepteur défectueux hérité de la Douane est en cours de remplacement, nous précise le commissaire
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