A peine les tours d’eau terminés, une partie des habitants de l’île ont eu le temps d’avaler une citronnade que déjà leur robinet était à sec. « En raison de pannes sur l’usine de dessalement de Petite Terre », indiquaient les communiqués de la SMAE qui imposait de disposer de l’eau courante un soir sur deux dans le secteur Nord-Est Koungou, Majicavo Lamir, Majicavo Koropa, Mandzarsoa, Doujani et Petite Terre. Les deux pompes de remplacement alimentant l’ancienne usine étant arrivées ce lundi, elle a pu de nouveau être productive. Quant à la nouvelle usine, elle doit recevoir 3 NIROBOX, permettant le traitement des eaux. « Le niveau de production en dessalement devrait atteindre les 2.000 m3 d’avant la panne », nous rapporte Ibrahim Aboubacar, Directeur des services du Syndicat Mixte d’Eau et d’Assainissement de Mayotte (SMEAM).
Problème, depuis la fin des tours d’eau liés à la pénurie de la fin 2020, la consommation qui avait chuté à 34.000 m3, a repris son rythme de croisière et même au delà, « nous dépassons régulièrement les 36.000 m3 ». Or, 36.000m3, c’est quasiment à la virgule prés le volume de production, toutes sources confondues.
La preuve que tout n’est pas revenu à la normale, les robinets des régions du sud sont toujours alternativement coupés en raison de l’insuffisante capacité des réservoirs de stockage. De Tsoundzou II à Kani Keli en passant par Chirongui et Sada, les habitants sont victimes de sous-investissement dans les infrastructures de la précédente équipe du SMEAM, en rapport avec la croissance de la population. Ça urge donc. « Ce sont les réservoirs de tête de Ongoujou et Chiconi qui posent problème. Ils desservent le sud de Mayotte. Ces travaux sont inscrits dans le Schéma directeur sur l’eau en cours de budgétisation pour l’année 2021. Ils ne sont pas encore financés », rapporte encore Ibrahim Aboubacar. Le montant de 120 millions d’euros de travaux avait été estimé en décembre par le SMEAM.
Deux nouveaux forages dans le Nord
Ces coupures sont quasiment automatiques dès que les tensions production/consommation se font jour, « il faut trouver une solution pour rétablir ce rapport. »
Du côté de la consommation, les variables d’ajustement s’appellent tours d’eau, recherche des fuites et kits hydro-économes. Si les premiers sont à l’étude, les secondes sont en cours, et les 3ème insatisfaisants : « Les kits distribués au CCAS n’ont pas été répercutés aux habitants. Il faut mettre en place une organisation adaptée ».
Du côté de la production, et en attendant que la 3ème retenue collinaire préconisée depuis plusieurs années, voit son 1er coup de pelle, de bonnes nouvelles sont annoncées. Dans le Nord. « Deux nouveaux forages sont opérationnels, à Kawéni, opérationnels depuis la semaine dernière avec 800m3/jour, et à Majimbini, avec 300m3/jour. Ça participe à remédier à la situation dans le Nord. » Sur l’ensemble de l’île, 22 forages sont en exploitation, dont deux seulement se trouvent dans le Sud. « C’est lié à la topographie de l’île, et il pleut davantage au Nord », permettant aux nappes phréatiques de se charger. Un 3ème forage sera fonctionnel à Miréréni, en plus de Dapani et Mronabeja.
Contrairement aux retenues collinaires, les forages ne sont pas interconnectés, ne permettant donc pas de transférer l’eau d’une région à l’autre.
C’est peu de dire si le mécontentement fleurit chez les habitants. Face à la grogne sociale, le syndicat des eaux avait convié les associations de consommateurs en décembre. Elles avaient fait remonter la « double peine », de factures salées alors que les foyers devaient s’approvisionner en packs d’eau pour pallier la mauvaise qualité du liquide lors de la remise en eau. « Nous conseillons de ne pas la consommer dans la demi-journée suivant », leur avait-on dit. La mention « laisser couler le robinet jusqu’à ce qu’elle soit claire » est aussi un vecteur de gaspillage. La communication est à revoir, en préconisant par exemple de d’utiliser cette eau à des tâches ménagères.
D’autre part, l’apport de citernes ou de rampes d’eau pour garantir l’approvisionnement des habitants serait la bienvenue.
La population ne pouvant que croitre, et dans un contexte où le lavage des mains est devenu une urgence sanitaire, les acteurs doivent accroitre la production, en misant au plus vite sur l’équivalent du Plan d’urgence eau. Et s’y tenir cette fois.
Anne Perzo-Lafond
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