« Si nous n’avons pas encore gagné la guerre, nous avons au moins gagné une grosse bataille », a estimé le procureur de la République, Yann Le Bris, à l’occasion d’une conférence de presse en forme de point d’étape judiciaire concernant la période tragique qu’a traversé Petite-Terre. Comme pour l’illustrer, plusieurs individus traversent au même moment, un étage plus bas, les couloirs du tribunal judiciaire de Mamoudzou pour être présenté devant le juge d’instruction puis le juge des libertés et de la détention. Ils sont huit à se relayer depuis la geôle du tribunal, et autant d’entre eux devraient gagner les cellules de Majikavo si les réquisitions du parquet demandant la détention provisoire sont suivies. Tous, comme un autre individu interpellé plusieurs semaines auparavant ont un point commun : ils font partie de la bande nommé Gotam, issue du quartier Cetam et qui a fait régner la terreur en Petite-Terre.
Le règne de la cruauté
« Depuis octobre », rembobine le procureur de la République. Depuis ce mois, « nous avons constaté de manière tout à fait inhabituelle une augmentation du nombre de délits, de leur fréquence, de leur gravité et du nombre d’individus impliqués ». Une escalade sans précédent où 150 à 200 faits, principalement de vols et violences en réunion sont recensés et qui trouvera son paroxysme la semaine dernière. Face à l’aggravation de la situation, le procureur, la section de recherche de la gendarmerie nationale et la gendarmerie de
Pamandzi ont formé, dès décembre, une cellule d’enquête pour enrayer la machine infernale. 15 militaires sont alors sur le pied de guerre, en parallèle de celle menée par les bandes. Et c’est sur la plus violente d’entre elles que se concentre leur attention : Gotam. Dirigée à la Néron par un homme de 19 ans – désormais entre les mains de la justice – et secondé « par un groupe de 6 à 7 individus » dont deux ont également été interpellés, la bande regroupe une cinquantaine de jeunes. Dans ces derniers, on trouve enfants et adolescents agissant sous la contrainte. Une emprise d’une cruauté telle, des menaces, qui poussent même au viol.
Opération sauvée in extremis
Mais pour espérer mettre un terme à l’horreur, «un travail d’enquête extrêmement compliqué, pour déterminer exactement le rôle de chacun », a été mené avec des moyens limités sur un terrain où se mêle omerta et individus volatiles. « Ce type d’opération ne peut pas s’improviser et implique discrétion et méthode », rappelle Yann Le Bris. Un travail de fond qui finit par aboutir « dans un délai extrêmement bref » et qui permet alors de programmer pour lundi 25 janvier l’interpellation des principaux membres de Gotam. Mais la semaine dernière, tout bascule, Petite-Terre s’embrase, venant contrecarrer le plan de la cellule d’enquête. Impliqués dans au moins un meurtre, celui de l’agriculteur de 36 ans qui trouve la mort « gratuitement » alors que Gotam fond sur La Vigie pour en découdre, les chefs se dispersent. Jusqu’en Grande-Terre.
C’est le branle-bas de combat pour sauver l’opération : police nationale et même le GAO s’en mêlent. Plusieurs individus sont interpellés. Et « acculé, n’ayant plus nulle autre solution », le chef se rend à la gendarmerie de Dembéni. « À l’heure où je vous parle, ces huit jeunes – Français ou nés en France – passent devant le juge d’instruction », reprend le magistrat. Qui les entend pour les chefs de vol aggravé, destruction, violences aggravées, association de malfaiteurs, vol aggravé en bande organisée.
Situation « figée » en Petite-Terre
Reste que leur implication dans les meurtres de Petite-Terre, si elle ne semble pas faire de doute dans l’esprit des enquêteurs, n’est pas avérée. Pour en déterminer les responsables,
un appui d’une dizaine de gendarmes est arrivé sur le territoire afin d’épauler la cellule déjà en place. En même temps qu’une quarantaine de militaires, déployés « en force d’interposition », selon les mots du commandant Capelle. Car « il ne faut pas se leurrer, si Gotam était la plus violente, d’autres bandes existent », se désole le procureur. Et la guerre entre les quartiers Cetam et La Vigie peut-être pas terminée. Mais pour l’heure, « la situation est figée depuis dimanche », assure la gendarmerie. « Le dispositif que nous avons mis en place entre les deux quartiers doit nous permettre de nous prémunir de tout acte de représailles et de casser la dynamique des groupe », poursuit le commandant. Qui, lui non plus, ne se fait pas d’illusion. « Vous dire qu’il n’y aura pas à un moment donné des actes en lien avec ces meurtres , je ne le peux pas. Mais tout est fait aujourd’hui pour l’éviter ».
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