A peine installé dans le fauteuil d’Anchya Bamana, Houssamoudine Abdallah a commandé un audit financier, histoire d’acter l’instant zéro de son mandat. Il connaît bien le sujet pour avoir été directeur du Centre de gestion, la structure qui a fait la Une de l’actualité, notamment dans un rapport de la Chambre Régionale des Comptes. Bien lui en a pris, à la lecture du document rédigé par le cabinet Experts et Territoires*, désigné pour ce travail, « la situation financière est très dégradée et inquiétante ». Il accuse même l’ancienne maire de maquillage outrancier sur les sections de fonctionnement et d’investissement, plombant la capacité d’autofinancement. Il manquerait fin 2019, 7,4 millions d’euros de ressources pour équilibrer le budget, alors que le compte administratif** affichait un résultat positif de 1,8 millions d’euros, ce qui est matériellement impossible à moins d’avoir masqué des données.
Et sur plusieurs tableaux, c’est ce que va s’employer à démontrer le cabinet, affichant des recettes de fonctionnement constamment surestimées depuis 2017, notamment de 1 million d’euros en 2020, des charges sociales 2019 reportées en 2020, des investissements réels se montant à 29 millions d’euros alors que seulement 6,5 millions sont inscrits au budget, etc.
Conséquence, malgré ce qu’elle affiche, la commune de Sada n’aurait plus de capacité d’autofinancement, elle est même négative, -220.000 euros, l’empêchant de contracter des emprunts pour investir, ou tout simplement s’en sortir en payant ses dettes.
La preuve par l’AFD
La cause principale pointée par Experts et Territoires, c’est la masse salariale, « la commune consacre l’essentiel de ses produits aux charges de personnel. » Pourtant, en 2017, et malgré les hausses de masse salariale liées à l’indexation de 40% des salaires, sortait un rapport encourageant de la Chambre régionale des Comptes (CRC), « Les mesures de redressement envisagées par la commune de Sada pour résorber son déficit budgétaire son suffisantes ».
Mais l’audit l’explique : la CRC n’avait pas toutes les informations, « les éléments de prévisions transmis à la chambre ne lui ont pas permis, de certifier le montant prévu qui, à l’exécution, s’est avéré inexact de près de 50%, soit une surestimation du double des recettes certaines ».
La maire Anchya Bamana, que nous avons contactée, a une autre interprétation du rapport de la CRC de 2017 : « De 2014 à 2017, j’ai géré une commune en déficit, ce qui ne nous avait pas permis d’obtenir un prêt de l’Agence Française de Développement, l’AFD. J’ai appliqué les préconisations d’un ancien rapport de la Chambre des Comptes, ce qui nous a valu de sortir du déficit, salué dans un nouveau rapport de l’institution en 2017, et sanctionné par un prêt de 3 millions d’euros de l’AFD. Là, le nouveau maire vient de signer un nouveau prêt de 9 millions avec l’AFD. C’est bien la preuve que les finances se sont redressées. » Une démonstration fragile, vu que la convention en question de 9M€ ne porterait pas sur un prêt, mais sur du préfinancement FCTVA de la trésorerie, permettant de payer les entreprises.
Anchya Bamana ne veut pas convenir d’une situation financière difficile, « c’est un mensonge. Je recommande à mon successeur de se mettre au travail, au lieu de gaspiller 40.000 euros pour un audit. D’ailleurs, il a fait voter une décision modificative au budget le 25 novembre dernier sans que soit mentionné un déficit. Mon budget primitif n’avait d’ailleurs fait l’objet d’aucune observation du contrôle de légalité. »
Pour Houssamoudine Abdallah au contraire, il fallait acter le déficit de 7 millions d’euros et les besoins de 13 millions d’euros en trésorerie, ce qui va imposer de trouver des recettes, notamment du côté de la fiscalité, et de la réduction des dépenses de personnel.
Anne Perzo-Lafond
* Experts & Territoires est un cabinet de conseil en gestion, qui se dit spécialisé dans les finances locales, composé d’anciens magistrats judiciaires ou financiers et d’anciens fonctionnaires territoriaux spécialisés
** Le compte administratif rassemble toutes les recettes et dépenses sur chaque section (fonctionnement et investissement) de l’année écoulée et certifie de la bonne application du budget primitif et des budgets rectificatifs.
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