Dans sa réponse à la députée Ramlati Ali, Sébastien Lecornu réclamait l’expression des élus sur trois points majeurs : le bilan des 10 ans de la départementalisation, un travail de différenciation adapté à Mayotte et une méthodologie de consultation de la population. Ce qui nous avait incité à alerter sur le risque d’un mauvais diagnostic : la population demandant avant toute différenciation, une assimilation dans le droit à la sécurité, à l’éducation, à la santé, et une convergence des droits.
Les 4 parlementaires, le président du conseil départemental et le président de l’association des maires se sont concertés, pour apporter une réponse unanime sur l’ensemble des points soulevés. C’est quasiment inespéré et cela augure on l’espère, une continuité dans l’action. D’ailleurs, le député Mansour Kamardine l’a portée à l’Assemblée nationale lors d’une question au premier ministre ce mardi.
Attendue par le ministre des outre-mer, leur contribution a été bouclée sous la forme d’un courrier somme toute assez court, daté du 26 octobre 2020. Car il rappelle que beaucoup de diagnostics ont été fait depuis les grèves générales de 2011 (vie chère), 2018 (égalité républicaine), 2018, (sécurité), et notamment le plus percutant d’entre eux : le rapport commun de la Cour et de la Chambre Régionale des Comptes du 16 juillet 2016 sur la départementalisation de Mayotte. Intitulé « Une réforme mal préparée, des actions prioritaires à conduire », les élus jugent qu’il « pose indéniablement le cadre de travail devant nous mobiliser ».
En effet, les lois de 2010 de la départementalisation de Mayotte sont encore loin d’avoir craché tout ce qu’elles avaient dans le ventre. Notamment « l’absence de mise à niveau des infrastructures, et d’alignement social sur les normes nationale », à l’origine selon les élus du retard de l’appropriation des compétences régionales et des financements qui l’accompagnent.
Unanimité sur un scrutin de liste
L’évolution du mode de scrutin pour les départementales fait désormais l’unanimité, avec l’adoption de celui en vigueur pour les Régionales, un scrutin de liste, favorisant la lisibilité des programmes.
Sur le deuxième point d’une différenciation, c’est bien « l’identité législative » qui prévaut, rappellent les élus, « 82% de la population vit sous le seuil de pauvreté faute de politique sociale inclusive ». Même convergence demandée pour les infrastructures de base, « il faut aujourd’hui plus de 2h pour ne parcourir que 20km aux heures de pointe ». Notamment en raison d’un réseau routier sous-dimensionné. Même manque d’envergure pour le port et l’aéroport, qui « ne permet pas de s’ouvrir aux échanges internationaux à l’heure où des projets d’envergure pointent à l’horizon. »
La maitrise des flux migratoire est encore rappelé comme à l’origine de l’explosion de la violence, « faute de volonté d’engager résolument un dialogue franc et ferme avec le gouvernement de l’Union des Comores ». Avec notamment un enjeu de coopération sur les mineurs étrangers isolés.
Ce n’est pas la première fois que le territoire demande « Plus d’Etat et plus de France », au travers cette fois de 9 propositions. Les deux premières sont vitales pour la structuration du territoire, le niveau de vie et les créations d’emploi qu’elles peuvent induire : elles portent sur la convergence des droits sociaux et des codes du Travail, de celui de la santé, de celui de la Sécurité sociale, et l’adoption d’un nouveau cadre pluriannuel de rattrapage en terme d’infrastructure et d’équipements, routes, port, aéroport, équipements sportifs, scolaires, télécommunications à très haut débit et 2d hôpital.
Inflation dans la prétention européenne
Ensuite on évoque la formation, de haut niveau notamment, avec les grandes écoles de la République pour « doter le territoire des compétences indispensables à son essor, enseignants, médecins, ingénieurs et cadres de la haute fonction publique ». La transformation du CUFR en université de plein exercice également.
Quatre premiers points qui permettraient à Mayotte de se doter d’une autonomie et de compétences dans les grandes décisions de son développement. La question sécuritaire arrive en 6ème position, avec également la protection des frontières maritimes.
L’alignement des dotations des collectivités locales sur le niveau national ou l’octroi de l’enveloppe européenne à hauteur de sa contribution, 825 millions d’euros minimum, sont également demandés.
Quant à la question d’une évolution de statut évoqué par le ministre se basant sur le choix des autres DOM, histoire de rassurer, les élus rapportent que « les Mahorais ne sauraient s’engager sur tout autre aventure statutaire qui n’aurait été préalablement soumise à la consultation populaire ».
Donc, la différenciation, on l’a déjà, merci, semblent dire les élus de Mayotte en substance, poussant plus loin l’idée, en demandant qu’elle s’applique sur les restrictions d’accès au titre de séjour, à la nationalité et au regroupement familial.
L’ensemble des demandes, dont une partie figue déjà aux 53 propositions du plan d’urgence Mayotte 2018, pourrait faire l’objet d’un comité de pilotage, estiment les élus en conclusion.
(Consulter le Courrier réponse élus Mayotte)
Anne Perzo-Lafond
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