Une bonne chose que le Département s’approprie enfin ce qui devrait être le moteur de l’économie sur notre petit territoire entouré d’eau et d’un fabuleux lagon : la pêche, les croisières, les activités nautiques de plages, l’énergie renouvelable, l’aquaculture… les activités qui nous permettraient de voir la vie en bleu sont tellement vastes qu’elles donnent le tournis.
Les restitutions des ateliers étaient donc riches en propositions. Et sans prétendre refaire le monde, assure Marie Josée Karaké, Chargée de mission territoriale, notamment celle de la stratégie sur l’Economie bleue : « Nous ne partons pas d’une feuille blanche, mais de l’existant pour rédiger le document stratégique sur l’économie bleue. Par exemple, nous avons tenu compte du Schéma d’Aménagement Régional. La stratégie c’est une concertation de tous les acteurs. Et pour chaque domaine, nous répertorions les formations nécessaires. »
Dans le public peu fourni, chacun y allait de son observation, notamment sur l’absence incompréhensible de l’IFREMER, du CNRS ou de l’IRD sur le territoire. « Notre demande que le REVOSIMA (Réseau de Surveillance Volcanologique de Mayotte) soit présent à Mayotte dans le cadre de la présence du volcan sous-marin a été entendue », rapporte encore la Chargée de mission.
La pêche, le parent pauvre de l’économie bleue
En métropole, avant même que n’apparaissent les activités touristiques, le fleuron de l’économie tirée de la mer, ce qu’on a appelé plus tard l’économie bleue, fut la pêche. Or, elle est quasiment inexistante à Mayotte, où on compte très peu de grosses unités, et à peine 150 barques de pêche homologuées. « Inutile d’aller plus loin si nous ne tenons pas compte des obstacles institutionnels actuels, met en garde… un représentant de la préfecture, port de pêche, ponton, hales de pêcheurs, rien de ce qui a été promis n’est sorti de terre. Et aucune formation d’envergure n’est envisagée ». Un constat sévère de la part de l’Etat. L’Ecole d’Apprentissage Maritime (EAM) n’attend que ça, nous explique-t-il.
Nous avons rédigé de nombreux articles sur le sujet en alertant sur les échéances. « Après le 1er décembre 2021, il n’y aura plus de pêche à Mayotte », prévient-t-il. Rappelons que après cette année butoir, pêcheurs et capitaines devront avoir une licence de pêche aux normes, c’est à dire qu’il faut sortir 200 diplômés d’ici là, alors que le conseil départemental compétent sur la formation, n’a jusqu’à présent pas sorti de plan de formation. Sidi Mohamed, vice-président départemental chargé des Affaires européennes, assure que le conseil départemental a pris conscience du défi, « 150 pêcheurs vont être accompagnés ». Mais les acteurs restent septiques sur une volonté réelle, aucune commande de formation n’ayant été passée.
« Et au delà du 31 décembre 2024, nous ne pourrons plus renouveler les barques ! », met encore en garde la préfecture.
Le « syndrome du pont de la Kwalé » sévit toujours à Mayotte
Depuis 2017, le milieu de la pêche attend les pontons et halles à poissons annoncés par Michel Goron, directeur de la Direction de la Mer du Sud de l’Océan Indien (DMSOI). Alors que quasiment chaque petite île bretonne dispose d’un ponton en pierre, ici on tergiverse.
Présente, la DMSOI assure que les études de maitrise d’ouvrage ont bien avancé en matière de ponton, « il fallait trouver les terrains », et annonce des halles de pêche toujours « en création ». Le conseil départemental qui vient d’entrer dans la danse, doit aussi s’accaparer de l’antériorité du dossier, et pas seulement le temps d’un Colloque.
Plus de trois ans sans voir sortir une infrastructure. Nous sommes a minima dans ce que Abdou Dahalani, président du CESEM, appelle « le syndrome du pont de Tsoundzou », ou du pont de la Kwalé. Une infrastructure que la Direction de l’Equipement avait mis plusieurs d’années à faire émerger, en raison notamment de défaut de fondation.
Coincée entre les intérêts privés de ceux qui n’ont pas d’intérêt à voir la filière pêche se développer, et les incapacités des autres, Mayotte étouffe, s’agace Abdou Dahalani : « 10.000 enfants naissent chaque année à Mayotte, rajoutés à l’immigration, ce sont des capacités en emploi qu’il faut trouver rapidement. Si nous continuons sur ce rythme, nous aurons tout faux ! Entre les temps des études et la réalisation de telles infrastructures, il ne faut pas dépasser deux ans, c’est le maximum. »
Avec de tels agissements, on ne s’étonne plus de l’absence de consommation de européens.
Anne Perzo-Lafond
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