“Inacceptable”, “négligence scandaleuse”, le principal du collège de Passamaïnty n’a pas de mots assez forts pour qualifier la possible coupe prochaine du vieux manguier qui surplombe l’établissement. Le propriétaire des zébus installés au pied du vénérable fruitier a été invité à quitter les lieux en vue de travaux qui doivent se tenir à cet endroit d’ici quelques jours.
Il s’agira du prolongement des travaux de terrassement menés en vue de la construction d’un lotissement de la SIM, là où se trouvaient quelques mois en arrière un bidonville. Quelques bangas se sont installés récemment tout contre les clôtures du chantier, mais eux aussi devront partir.
Outre les conséquences humaines de ce décasage annoncé, plusieurs aspects de ces travaux inquiètent le principal Pierre Caravano. “Ce qui m’inquiète en premier lieu ,c’est que les pelles mécaniques travaillent contre la clôture du collège” constate le chef d’établissement en faisant le tour du propriétaire. Selon lui une distance de 4m devrait être respectée. Pis, les travaux pourraient empiéter sur le terrain de l’établissement, ce qui l’inquiète puisqu’avec 1799 élèves sur moins de deux hectares, la place est déjà restreinte.
Un risque d’érosion aggravé ?
Mais si les jardins des logements de fonction risquent ainsi d’être “rabotés”, ce qui alarme le plus le principal, c’est le sort d’un immense manguier qui trône juste au dessus. “J’ai appris qu’un magnifique manguier va être coupé parce que le programme de construction n’a pas prévu de l’épargner” déplore Pierre Caravano qui voit là “une négligence scandaleuse”. Et ce, à double titre. D’une part “dans les programmes scolaires on apprend aux élèves le développement durable, et sous nos yeux des sociétés immobilières coupent des arbres, ça paraît inacceptable” grommelle le fonctionnaire qui y voit la preuve que “ce qui compte c’est le profit pour ce lotissement avec vue sur la baie”.
Plus grave, la coupe de l’arbre pourrait selon lui générer des glissements de terrain. “La colline est très en pente. Or, cet arbre est un ancrage de la terre à 20m en amont des logements de fonction. Le déraciner peut aggraver un éventuel glissement de terrain en cas de forte pluie”. D’autant que la colline déjà largement déboisée subit une érosion rapide selon lui. “Quand il y a de fortes pluies, il y a jusqu’à 20cm de boue dans le jardin, c’est une mare impraticable” ajoute-t-il.
Le principal a fait part de son inquiétude dans un courrier adressé au recteur à qui il demande d’alerter le préfet, et en a aussi appelé au maire de Mamoudzou Ambdilwahédou Soumaïla.
“Faire le buzz”
Contacté, le directeur de la SIM Ali Ahmed Mondroha dit “comprendre” qu’on s’émeuve pour un vieil arbre, mais il précise suivre scrupuleusement les règles, et rappelle l’importance de ce chantier de logements sociaux.
“On ne débarque pas comme ça pour faire des travaux, les dossiers sont étudiés avec des autorisations de tous bords, les choses sont faites dans les règles pendant plusieurs mois. Des fois il arrive aussi que les architectes arrivent à préserver des arbres, ça dépend des opérations.”
Parfois en revanche, les coupes sont inévitables selon lui.
“Il s’agit d’une opération de 72 logements. On nous demande de produire du logement en masse, si on ne doit pas couper d’arbre ça devient un casse tête. Il y a des espèces protégées, c’est clair et réglementaire, quand c’est le cas, on respecte ça.”
Pour lui, il n’y a pas lieu à polémique, il y voit surtout une manière de “faire le buzz”.
D’autant que des plantations sont prévues pour compenser les pertes éventuelles et verdir la colline. “J’ai demandé spécifiquement pour cet arbre au directeur des opérations qui n’est pas au courant de cette histoire de manguier, je serais intéressé d’échanger avec le principal sur ce point” indique le responsable de la SIM. Ce dernier ajoute toutefois que les coupes éventuelles seront remplacées. “On a aussi un lot d’espaces verts, on va largement planter sur ce périmètre pour compenser les coupes qu’on devra faire.” Des plantations qui écarteront aussi toute inquiétude que d’éventuelles coulées de boue. “Aucun risque là dessus” assure-t-il, rappelant que plus d’un an d’études ont été nécessaires avant d’obtenir toutes les autorisations de travaux.
Sur les autres points, notamment les bangas et les clôtures du collège, plusieurs éléments de réponse.
Concernant les occupants du terrain, une enquête sociale est en cours pour reloger les futurs décasés assure-t-il. “Une enquête sociale est en cours. Nous avons en plus une décision de justice en notre faveur. Quand on a des terrains occupés, on fait une procédure. Là, une 20aine de familles doivent partir sur la base de cette décision de justice. Tout est parfaitement transparent.”
Quant aux travaux qui grignoteraient le terrain du collège, ce dernier “a été posé sur un terrain appartenant à la SIM mais c’est un autre débat” pose le directeur. “Au niveau de la clôture, un déplacement de clôture est prévu dans le cadre de l’organisation du chantier, on le fait à nos frais et dans les règles. On est sur un périmètre SIM” répète-t-il.
Pour le directeur, “le principal du collège a peut être eu des informations partielles sur ce projet”, il ajoute se tenir prêt à organiser une visite du chantier avec lui pour écarter tous questionnements et préparer “des relations de bon voisinage”. Nous les avons donc mis en relation, en attendant de savoir si le manguier fera ou partie dudit voisinage.
Toujours est-il que du côté de la mairie, “aucune autorisation n’a été accordée à la SIM pour couper un tel arbre. Il faut une autorisation particulière” nous précise la municipalité dont la police va aussi se rendre sur place pour en avoir le cœur net.
Y.D.
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