Mi-mars, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) conseillait de « tester, tester, tester », message repris depuis par le conseil scientifique en France. « Nul ne peut combattre un incendie les yeux bandés », soulignait l’OMS. Mais s’il s’agissait pour elle de le pratiquer « sur chaque cas suspect », l’exemple Islandais pourrait faire encore évoluer les mentalités.
Ce pays de 364.000 habitants, enregistre 1.754 malades du Covid-19 ce samedi, dont 9 décès. Des chercheurs de l’université d’Islande et de deCODE Genetics-Amgen, ont pratiqué une campagne de tests dont les résultats ont été publiés dans le New England Journal of Medicine mardi 14 avril. Il s’agissait d’évaluer la propagation du Covid-19 sur l’île. Au total, 6 % de la population du pays a été testée, « ce qui en fait l’une des populations les plus dépistées au monde », souligne le quotidien lemonde.fr.
La force de l’Islande est d’avoir dépisté très tôt. La première phase s’est déroulée du 31 janvier au 31 mars sur 9.199 individus présentant des symptômes, ou venant d’une zone à risque ou encore considéré comme cas contact. Un panel qui dépasse déjà le nôtre puisque nous ne détectons en France, et notamment à Mayotte que les personnes symptomatiques. Ils étaient 13% à être déclarés positifs au Covid-19.
La 2ème phase portait sur les personnes ne développant pas de symptôme (asymptomatiques) ou se plaignant d’un simple rhume, ils étaient entre 0,6% et 0,8% à être infectés. Ce qui a permis de les isoler.
10 fois moins de décès qu’en France
En tout, ce sont plus de 36.000 tests qui ont été pratiqués, qui ont permis de contacter les personnes touchées et qui ne le savaient pas en l’absence de symptômes. Avec 1.754 cas pour 364.000 habitants, ce sont 0,5% des habitants qui sont porteurs du virus, contre 0,03% en France. Normal puisqu’on teste plus en Islande. Mais avec un nombre de décès ramenés au nombre d’habitants bien inférieur : 2 pour 100.000 en Islande, contre 20 pour 100.000 en France, soit 10 fois moins. Les tests semblent donc permettre une meilleure prise en charge de la population, un constat qu’avait mis en évidence la situation de l’Allemagne, qui avait mené une forte campagne de tests. On y enregistre 4 fois moins de mortalité qu’en France, pour une population de 83 millions d’habitants, contre 65 millions en France.
La campagne menée par l’Islande est riche d’enseignements. L’étude rapporte 43% des personnes détectées comme positives n’avaient pas de symptômes. Il devient évident que les tests élargis permettent de confiner des porteurs qui ne l’auraient pas été en l’absence de signes, et auraient contaminé leur entourage.
Parmi les asymptomatiques, aucun enfant de moins de 10 ans
L’étude montre également que les femmes sont moins atteintes que les hommes, 11% contre 16,7%, et que les enfants de moins de 10 ans sont deux fois moins positifs au test que les tranches d’âge supérieures, 6,7% contre 13,7%. Parmi les individus sans symptômes ou avec des symptômes bénins, aucun enfant de moins de 10 ans n’a été testé positif (sur 848 testés) contre 0,8% des 10 ans et plus.
Une donnée non négligeable dans le cadre de la stratégie de déconfinement basée sur l’ouverture des écoles, adoptée par le gouvernement français, qui pourrait inspirer d’autres pays, comme l’explique le professeur Antoine Flahault, directeur de l’Institut de santé globale à l’université de Genève, dans Le Monde : « On pensait que les enfants jouaient un rôle important dans la propagation de l’infection, mais l’étude islandaise montre que l’incidence du SARS-CoV-2 chez eux est faible, ce qui rejoint les données chinoises. Cela peut représenter un argument en faveur de la réouverture des écoles. »
En matière de tests, Mayotte doit redoubler d’efforts. Rapidement en rupture de réactifs lors de la propagation du virus, le CHM n’a pu pratiquer que 1.800 tests jusqu’à présent. En Nouvelle Calédonie, à population équivalente de 280.000 habitants, ce sont 3.000 tests qui ont été pratiqués. La collectivité française, où ne sévit que 18 cas, entame ce lundi un déconfinement lié à l’absence de nouveaux malades déclarés depuis deux semaines.
A La Réunion, la campagne de tests est massive, avec « plus de 3000 tests réalisés par semaine », selon la préfecture 974.
On attend donc les autorités de santé sur ce sujet à Mayotte, alors que des réactifs viennent d’être livrés par l’armée. L’ARS indiquait ce samedi que « 83 tests sont actuellement en cours de réalisation ». Il faut aussi accentuer l’effort sur les dotations en appareils d’analyse, car à raison de 70 tests par jour actuellement, il nous faudra un mois pour doubler notre capital actuel du volume de tests effectués.
Anne Perzo-Lafond