La continuité pédagogique est tombée avec le Coronavirus dans un 101ème département sinistré : précarité de certaines familles qui laisse peu d’espace à l’apprentissage, en 2018, seuls 27 % des habitants possèdent un diplôme qualifiant contre 72% en métropole (INSEE), illettrisme touchant quasiment la moitié de jeunes, etc. Le taux d’équipement en numérique est à l’image, avec 28% de la population connectée avec une box ou un accès Wifi gratuit. Recteur, inspecteur d’académie, enseignants ont donc du déployer des trésors d’imagination. Avec quelle portée ?
Comment vont s’organiser les épreuves du Bac et du brevet cette année ?
Gilles Halbout : « La plupart des épreuves se feront en contrôle continu. Pour le Bac les notes prendront en compte les 3 trimestres, avant et après le confinement, mais pas pendant. D’où l’importance de travailler jusqu’au bout. Ce contrôle continu prendra en compte la moyenne des notes des épreuves communes (E3C) de première et celles de terminale. L’épreuve écrite du bac de français est supprimée et remplacée là aussi par la moyenne de l’année. L’oral en revanche est maintenu, début juillet, avec un nombre de textes allégé, quinze pour le bac général, douze pour le bac techno.
Le Brevet prendra également en compte la moyenne de l’année hors période de confinement.
Inchangés, les oraux de rattrapages pour ceux qui ont entre 8 et 10, se tiendront autour du 8 juillet. Et à la rentrée de septembre, les examens de rattrapage concerneront ceux qui n’ont pu les valider en juin pour cause de maladie, de candidatures libres, et certains dossiers à la moyenne inférieure à 8, étudiés cas par cas. »
Comment se passe le dispositif de continuité pédagogique avec les problèmes de connexion à Mayotte ? Quelle remontée avez-vous des associations de parents d’élèves ?
Gilles Halbout : « Je fais le point deux fois par semaine avec toutes les associations de parents d’élèves. Les retours font état de deux problèmes. Tout d’abord, un encombrement du réseau pour ceux qui ont accès au numérique, qui est souvent saturé. Je leur conseille donc de se connecter tôt le matin, ou entre midi et 14 heures.
Et ensuite, la difficulté de joindre ceux qui n’ont pas internet. C’est pour eux que nous avons mis en place le dispositif Ecole apprenante avec les médias de l’audiovisuel, mais il faut aller plus loin.
Nous allons donc leur envoyer les cours par La Poste. Nous n’avons pas ici le dispositif national qui permet au PDF d’un professeur d’être imprimé automatiquement et envoyé par courrier. Nous allons donc imprimer nous-mêmes les documents et les envoyer aux élèves les plus éloignés de nos circuits de continuité pédagogique. »
Ils sont entre 5% et 8% dans ce cas en métropole. A Mayotte, combien son concernés ?
Gilles Halbout : « Il y a de gros écart d’une zone à l’autre, mais on évalue à 26% d’élèves que nous n’arrivons pas à joindre en lycée, 27% en collège, 14% en primaire et 18% en maternelle. Nous allons cibler en priorité les lycéens et les 3ème décrocheurs, ces derniers sont 1.500 environ.
C’est une véritable course contre la montre, car nous préparons un envoi dès cette semaine, et deux après les vacances. A ce propos, je voudrais informer que tous les enseignants et les élèves seront en vacances dès ce 11 avril, et jusqu’au 19 avril. »
Des vacances qui remplacent celle de mai ici ? Du coup, Mayotte bénéficiera-t-elle du dispositif national « Vacances apprenantes » ?
Gilles Halbout : « Nous espérons que ces vacances se positionneront à mi-période de confinement, mais seul l’avenir nous le dira. Elles ne remplacent pas tout à fait celles qui étaient prévues en mai, car nous reprendrons quelques jours de repos au moment du déconfinement. S’il s’avère que c’est le 4 mai, nous serons donc de nouveau en vacances sur cette période. Mais actuellement, tout le monde est fatigué, enseignants, élèves, parents. Ceux qui ont travaillé, doivent faire un vrai break, tout en étant à la maison. Lecture, musique, loisirs à la maison, un peu de sport en respect des consignes.
Mais ceux qui ont décroché, il faut aller les chercher, ramener les brebis égarées ! Pour cela, les inspecteurs préparent des fiches de méthode et des fiches de révision en fonction de chaque niveau et de chaque filière. Il n’y aura pas que les maths et le français, mais aussi de la philo, de l’anglais, ou des sciences économiques et sociales.
Des enseignants volontaires vont les suivre de manière particulière en les contactant régulièrement au téléphone pour expliquer les nouvelles notions. »
La rentrée de déconfinement préalablement annoncée au 4 mai, reste hypothétique. « Impossible » de le savoir pour le ministre de l’Education Nationale, surtout que le retour à la normale sera différencié entre les régions et les professions. Peu de chance que les lieux à forts rassemblements comme les écoles ne soient jugés comme prioritaires.
Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond
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