On sait maintenant qu’un malade est décédé aux urgences, porteur du Coronavirus. On attend les investigations, mais le virus s’est rajouté à d’autres pathologies, et c’est peut être le premier message à retenir de la conférence de presse de Dominique Voynet tenue en audio ce lundi : « Les malades diabétiques, ou qui souffrent d’hypertension ou d’obésité doivent redoubler de vigilance », car ce sont des facteurs aggravants lorsque le virus est contracté. Et qui pourrait faire grimper le nombre de décès, malgré une population jeune. Un épidémiologiste a travaillé sur 4 scénari possibles en fonction du temps de confinement, qui seront dévoilés ultérieurement.
Sur le point de situation et la dispersion du virus, un seul cas semble isolé, les autres sont groupés : « Sur prés de 600 tests, 82 se sont révélés positifs. Beaucoup ont des signes cliniques approchant, mais qui ne sont pas du Covid-19. Une dizaine sont guéries, dix sont hospitalisées, dont certains pour des causes de comorbidité comme le diabète. Trois étaient en réanimation, dont un décédé ce lundi matin, un autre est un cas grave mais stable. Plusieurs cas sont groupés car ayant eu des échanges avec des personnes malades, notamment 17 soignants, dont quelque uns par contact avec des patients. Un autre groupe est lié à la campagne d’un candidat aux élections municipales d’une commune du sud, d’autres ont éclos au sein de familles. Enfin, un cas particulier est apparu au sein d’un service de sécurité sur une personne ayant approché un voyageur de métropole. Nous avons isolé l’unité. » Environ 250 cas contacts ont été recensés. Si nous ne sommes pas encore sur un taux de 30 cas pour 100.000 habitants qui qualifierait d’épidémie la circulation du virus à Mayotte, « nous n’en sommes pas loin et nous nous y préparons. »
Les points détaillés par tranche de population ou par âge, présentés par l’ARS de La Réunion, font saliver, et l’on oublie que notre petite ARS est née cette année : « L’équipe de Santé publique France est réduite à Mayotte, nous n’avons qu’un seul statisticien épidémiologiste. Mais nous comptons proposer des statistiques plus fournies d’ici peu. »
« La situation se crispe au laboratoire »
La catastrophe pour l’ARS, c’est l‘arrêt des vols commerciaux depuis Paris, « une décision qui est tombée d’un coup, alors que nous attendions du fret médical, qui se retrouve en souffrance, dont des tests, du gel hydroalcoolique, et du personnel médical libéral, des pharmaciens, un épidémiologiste et des médecins. D’autre part, nous devons retourner les obus d’oxygène vide, pour réapprovisionner ensuite le CHM en bonbonnes pleines ». La situation « se crispe » au laboratoire, indique-t-elle, et, alors que nous l’interrogeons sur la mise en place de liaisons commerciales uniquement pour le fret, avec Air Austral ou au moyen d’avions cargos, la directrice de l’ARS espère que Paris va décider d’un « pont aérien ». Ce mardi, un avion de la présidence de la République, de la réserve du Groupe de liaisons aériennes ministérielles (GLAM), atterrit à Mayotte avec les 3 tonnes de fret nécessaire au fonctionnement de l’hôpital.
Au sein du CHM, le service de réanimation polarise les attentions, et les discours ministériels. Edouard Philippe et Olivier Véran ont annoncé samedi le passage de 16 à 50 lits, et l’approvisionnement de 7 respirateurs à oxygène, les appareils qui viennent au secours des détresses respiratoires symptômes des formes graves de Covid-19. « Avec environ 80 respirateurs, l’hôpital est assez doté. Mais ils sont de qualité inégale en fonction des besoins, anesthésie, urgence ou pédiatrie. » Et comme le mieux n’est pas toujours l’ennemi du bien, et que l’ARS ne veut pas retomber dans un processus de pénurie, Dominique Voynet en a réclamé pour Mayotte, « sur les 1.000 commandées par le gouvernement à Air Liquide ».
Entrer dans l’intimité de la polygamie
Autre annonce d’Edouard Philippe, l’envoi de personnel médical dans les outre-mer, par recours à la réserve sanitaire et aux médecins étrangers pour la Guyane et Mayotte. « Je fais régulièrement remonter mes besoins en réserve sanitaire, sans succès, car nous avons besoin d’épidémiologistes et de pharmaciens, deux métiers en tension. »
Au sujet de l’arrivée de médecins aux diplômes hors Union Européenne, le premier ministre l’a souligné, « la loi nous y autorise ». Face à la pénurie de médecins, une ordonnance de 2005 le met en place pour la Guyane et Mayotte. Mais si le département français d’Amérique l’accepte, et bénéficie désormais de praticiens hospitaliers étrangers installés sur place, Mayotte l’a toujours refusé. Une proposition à laquelle Dominique Voynet a répondu, « j’ai dit que je n’y étais pas hostile, mais sous condition. Pour l’instant, je n’ai pas eu de réponse. »
Le confinement se vit plus ou moins bien, freiné par les conditions précaires de l’habitat et des ressources alimentaires qui se raréfient. Pour au moins maitriser les bons gestes, les ressources communautaires sont mobilisées, « les clubs de sport, les associations de quartier, car au delà des difficultés pratiques, il y a des réticences, lorsqu’un homme polygame est testé positif par exemple, il faut entrer dans son intimité pour cerner les personnes contacts. » Le travail est toujours en cours pour héberger en isolement des personnes porteuses, qui ne nécessitent pas d’être hospitalisées.
La malnutrition de la population en ces temps de restriction de commerce de bord de route est aussi une compétence de l’ARS. « Ailleurs, les populations sont globalement socialement couvertes, ce qui n’est pas le cas ici. Pour y pallier, le recteur et la préfecture travaillent à une distribution de collations en direction des scolaires dès ce vendredi. Mais en ce qui concerne l’accès à l’eau, nous favorisons la mise en place de borne-fontaines monétiques, et j’ai demandé à réinstaller les rampes à eau, même si cela ne rappelle pas de bons souvenirs à la population. Car à quelques jours du Ramadan, il faut accroitre l’approvisionnement pour diminuer les regroupements autour de l’approvisionnement. »
Anne Perzo-Lafond