Le Conseil Départemental de l’Habitat et de l’Hébergement (CDHH) est un passage obligé pour les acteurs du secteur. Tous n’étaient pas présents. C’était pourtant l’occasion de présenter ce lundi l’état des lieux des politiques de l’habitat et de l’hébergement. « C’est le problème primordial de Mayotte avec l’immigration clandestine », relevait d’ailleurs Ibrahim Bacar, à la tête de Habitat Mayotte Immobilier, « quand vous voyez des enfants trainer tard dans la rue, c’est souvent qu’une famille de six personnes vit dans une seule et même pièce, et je compte des Mahorais parmi eux. » Il appelle à envisager le problème sous toutes ses facettes, sous entendu, sans partir forcément de modèles métropolitains.
Pour connaître l’ampleur du travail à accomplir, deux chiffres : 24.000 et 461 millions d’euros. Le premier livré par l’INSEE d’après le recensement 2017, est connu, puisqu’il dénombre le nombre de cases en tôle sur le territoire, les 24.000 correspondant à 40% des logements de l’île. Le second est donné par la DEAL, et évalue le déficit opérationnel portant sur les 150 actions qu’il faudrait mener, tels que les ont évaluées les communes dans les Plans communaux de résorption de l’habitat indigne. Et ces 461 millions d’euros à engager ne portent « que » sur 6.700 logements précaires, soit le quart de l’évaluation du chiffre INSEE.
Cela donne une idée de l’ampleur de la tâche. Beaucoup a été dit sur le sujet du logement, notamment lors de la Journée professionnelle de la construction et du logement. L’Etat a chiffré le besoin à 30.000 logements pour les 10 prochaines années, 5.000 par la Société Immobilière de Mayotte (SIM), 10.000 en relogement de familles en habitat précaire (soit la moitié de l’estimation INSEE), et 15.000 logements pour répondre aux besoins en logement de nouveaux arrivants.
« Il faut qu’on se voie »
Pour y répondre, Arnaud Benoît le SGAR adjoint de la préfecture, rappelait les montants disponibles : « Un milliard d’euros sur 10 ans alloués par la Caisse des dépôts à la SIM sur 10 ans pour 2.000 à 7.000 logements, des crédits politique de la ville passés de 20 à 40 millions d’euros par an, l’Etablissement public foncier doté de 12 millions d’euros et les 75 millions sur 3 ans de l’Agence de rénovation urbaine. » Pour les dépenser, il faut résoudre les freins habituels : foncier, prix des matériaux « exorbitants », facilitation de l’accession à la propriété, etc.
Et solutionner une communication défaillante entre la DEAL (Direction de l’Equipement, d’Aménagement et du Logement), le conseil départemental et les acteurs. Ces derniers s’inquiétaient des conditions de la remise en œuvre de l’aide à l’accession sociale à la propriété en outre-mer (ex-APL qui avait été supprimée), « elle a été confirmée à la loi de Finances 2020 et aux même conditions qu’en 2017 », précisait Joël Duranton, directeur de la DEAL
On le voit, les échanges d’information sont indispensables, car, comme le faisait remarquer Mohamed Saïd Hamidouni, le Département intervient en complément de dispositif Etat, notamment le FRAFU (Fonds Régional d’Aménagement Foncier et Urbain) sur l’assainissement et les équipements sanitaires, nous avons 400 dossiers en attente », ou sur l’aide à la pierre, « il faut qu’on se voie », estimait le directeur adjoint du Pôle solidarité.
L’Etat doit renforcer ses structures
En matière d’aides, le conseil départemental vient de déplafonner l’accès au Fonds de Solidarité Logement (FSL), comme l’explique le vice-président Issa Issa Abdou : « Avec un plafond de 72 euros, il était peu accessible aux ménages mahorais précaires. En plus d’annuler ce seuil, nous prenons en charge les abonnements des factures d’électricité, d’eau, de téléphonie et d’internet, moyennant conditions de ressource, évidemment. » Egalement annoncé, le relèvement de 5.000 à 35.000 euros de la participation du département à la quotte part des familles modestes sur l’accession aux logements sociaux et très sociaux. « Nous allons le proposer au vote ».
L’Etat lui, doit réévaluer un autre outil, l’EPFAM. Acteur récent mais incontournable dans le domaine du logement, l’Etablissement Public Foncier et d’Aménagement de Mayotte est sous-doté, à entendre le directeur de la DEAL, « un renforcement de ses moyens financiers est indispensable pour qu’il intervienne comme opérateur foncier de l’Etat. » Une autre déficience, l’absence d’ADIL à Mayotte, l’Agence Départementale d’Information sur le Logement permettrait pourtant d’informer les usagers sur leurs droits et obligations et sur les solutions de logement qui leur sont adaptées.
On parlait encore de nécessité d’études d’impact lors de cette tenue du Conseil Départemental de l’Habitat et de l’Hébergement, « il faut lister les mesures à mettre en place à court, moyen et long terme, et les chiffrer. » Cela permettrait en effet de commencer à résorber les manques définis plus haut, préalables à l’objectif de construction des 30.000 logements en 10 ans. Sans quoi ils resteront une chimère.
Anne Perzo-Lafond
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