Depuis 10 ans que nous suivons l’évolution de ce chef d’entreprise, Abdillah Sousou ne change pas (prononcer Soussou, comme une fille de joie en shimaore). L’expression toujours en retenue, « ça, je sais pas trop s’il faut le dire… », la voix douce, qui tranche avec son parcours de karatéka de haut niveau. Mais ça, c’est déjà loin, presque une autre vie.
En 2008, il dépose sa marque « Soussou sportwear » et créée sa société en 2010 en auto-entrepreneur, dispositif qui n’existe toujours pas à Mayotte. Ce natif de Dzaoudzi a quitté son île à 7 ans, avec ses parents, « je viens d’une famille très modeste, et je n’ai pas fait d’école de commerce. » Il apprend sur le tas, et déménage de Paris au Mans, grâce à un accompagnement de l’opération « quitter Paris ». Il n’est toujours qu’équipementier quand il crée sa SAS. « Je fournis les clubs, les écoles, les entreprises, les associations. J’ai notamment équipé le personnel du site de rencontre Meetic et du Pôle régional du handicap au Mans », un ville qu’il ne quitterait « pour rien au monde ! »
Un hôpital, voilà qui nous éloigne du monde du sport ! « Quand tu t’appelles pas Nike ou Adidas, tu t’adaptes et tu fais du sur-mesure. C’est d’ailleurs comme ça qu’ils ont commencé ». En regardant ces géants, il se dit attristé, « nous n’avons plus aucun équipementier français alors que nous sommes champion du monde en foot ! Lacoste et le Coq sportif sont devenus Suisse, et Adidas, Allemand. » Il se prend donc à rêver de combler ce vide, « nous pouvons devenir l’équipementier sportif français. »
Une 3ème collection va sortir des cartons
Depuis 2017, Abdillah Sousou s’est porté sur le segment du grand-public, « avec une première collection sortie en crowdfunding », en financement participatif. Les ventes décollent immédiatement, avec une ligne de vêtements de tee-shirt, pull, sweat, veste, legging et jogging. A tel point qu’il a désormais deux points de vente. L’un au Mans, « Au cœur des artistes », et l’autre à Pornic, chez « Julie collection ».
Il n’a pas d’employés, et son épouse Laurie qui fut RH chez Alcatel ou M6, finit par le seconder dans l’entreprise. La boutique en nom propre reste encore du domaine du rêve.
En bon champion de karaté, les valeurs « Courage, respect, victoire et fierté » s’affichent haut en couleur sur son site. « Victoire, c’est d’ailleurs le prénom de ma fille ! »
Et une 3ème collection est en préparation, toujours financée en crowdfunding, « elle devrait sortir en mars-avril ». Les vêtements sont fabriqués au Portugal et en France.
Une réussite qui s’est passé d’aides et de subventions, « autodidacte, je devais remplir un dossier d’une centaine de pages et passer devant un jury de personnes qui n’ont rien créé, pour m’entendre dire que ma demande n’était pas recevable. »
Même s’il a des rêves de géant du sportswear, Abdillah Sousou garde la tête froide, en méditant la maxime anglo-saxonne : « Deviens une star locale avant de devenir une star internationale. »
Venu à Mayotte pour assister son père malade, il repart ce jeudi pour la remise des diplômes des étudiants mahorais à Montpellier, « je les équipe ! », lance-t-il en conclusion.
Anne Perzo-Lafond
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