L’activité sismique se fait résolument discrète ces derniers mois, à l’exception de deux séismes bien ressentis début janvier. Pour autant, l’éruption sous-marine se poursuit et la sismicité également. On mesure toujours 25 à 40 séismes par jour, presque tous inférieurs à 3.5 de magnitude. Les modèles actuels estiment que l’éruption du volcan sous-marin se poursuit à un rythme impressionnant de 10 à 50 mètres cube de magma à chaque seconde.
Mais ce qui préoccupe davantage les autorités, et jusqu’au sommet de l’Etat, c’est l’essaim sismique découvert juste à côté des cotes mahoraises, à environ 5km à l’est et à une grande profondeur (entre 25 et 40km). La nature volcanique de ces vibrations est désormais privilégiée, et l’hypothèse de conséquences pour Mayotte n’est pas écartée. Les risques peuvent être variés, et toute une liste a été érigée. Ces risques vont de la survenue de séismes importants au tsunami, en passant par l’éventualité d’une seconde éruption plus proche de nos côtes, voire… à terre. Pour l’heure il s’agit d’une liste purement théorique, conçue par la sécurité civile pour se préparer à toute éventualité. Le directeur du BRGM à Mayotte (bureau de recherches géologiques et minières) Frédéric Tronnel explique qu’il est scientifiquement impossible de prévoir ou privilégier tel ou tel risque.
En revanche, les autorités veulent savoir en temps réel si la sismicité évolue, et notamment s’il y a une remontée des hypocentres, qui pourrait signaler une remontée de fluide. Ce que rien n’indique actuellement.
Pour parfaire les connaissances scientifiques de ce phénomène encore largement mystérieux pour les chercheurs qui s’y intéressent, l’Etat, sous l’impulsion du Premier ministre, a décidé de mettre le paquet. Le réseau de surveillance REVOSIMA, jusqu’alors composé de scientifiques volontaires, sera pérennisé et 6 scientifiques sont recrutés pour une surveillance H24 de la sismicité. Ce réseau sera réparti entre Mayotte, la métropole et la Réunion qui dispose des équipements et compétences nécessaires à un tel suivi.
Des moyens maritimes sont aussi prévus. Le Marion-Dufresne sera de retour fin avril ou début mai. Un navire privé devrait être affrété pour d’autres études. Les capteurs de fond de mer seront modernisés pour fournir des données en temps réel, avec une technologie toute récente.
A terre, les émanations de CO2 (gaz carbonique) qui s’échappent sur Petite Terre vont être étudiées de près afin de surveiller toute évolution de l’activité souterraine.
La sécurité civile élabore de son côté avec les scientifiques une échelle d’alerte afin de prévenir le préfet, et à travers lui la population, de tout risque éventuel.
Ce qui nous mène au second grand volet du travail mené par l’Etat sur ce sujet : la prévention.
Contrairement aux autres îles volcaniques d’outre-mer comme la Réunion, la Martinique ou la Guadeloupe, Mayotte est peu habituée au risque sismovolcanique et la population manque d’informations et de réflexes. Le rectorat va donc élaborer un programme qui s’étalera du plus jeune âge jusqu’à la terminale pour que les élèves acquièrent les bons gestes en cas d’alerte (comme se mettre sous une table en cas de secousse).
A plus grande échelle, la préfecture a d’ores et déjà planifié des exercices d’évacuation qui tout “impliqueront des établissements scolaires”. La population sera bien sur informée en amont. Le 18 février, un exercice aura lieu à Dembéni. Un autre est prévu à Bandrélé “avant les élections”, en avril ce sera Bandraboua, le 14 mai à Mamoudzou, un exercice “puissant” est prévu. Les 5 et 24 juin seront consacrés aux communes de Pamandzi et Koungou. L’objectif étant de “permettre à la population de savoir ce qu’elle doit faire si un risque nous menace sur la côte est” et de “lui donner un certain nombre de repères” indique le préfet Jean-François Colombet.
Mais d’ailleurs, en cas d’alerte, on la prévient comment, la population ?
“L’île sera équipée en sirènes d’alerte dès octobre 2020 pour alerter particulièrement sur le risque tsunami”.
Parallèlement à Dembéni, une expérimentation à la mosquée doit permettre l’élaboration d’un “dispositif transitoire” d’alerte.
Ainsi contrairement au début de l’essaim sismique en mai 2018 où la population dénonçait l’apparente légèreté des autorités (on n’annonçait alors pas de mission en mer avant plusieurs années), l’Etat semble avoir vraiment “pris la mesure” de la nécessité de mieux comprendre le phénomène et de mieux préparer les réponses en termes de sécurité civile.
Y.D.
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