A deux mois des municipales, les maires sortent globalement grandis de ce 3ème opus de l’Observatoire des communes. Le premier qui se tenait en 2017, ne pouvait que constater des comptes déficitaires : alors qu’ils géraient les petits bobos du quotidien, en 2008 les maires de Mayotte reçoivent les prérogatives qui incombaient au préfet, sans y avoir été formés, et avec de maigres finances qui tombaient de Paris. On a l’habitude de dire qu’ils montent alors dans un TGV en marche, « c’est un grand saut car ils prennent les compétences décentralisées déjà assumées progressivement par les autres DOM départements depuis 1946 », relève Yves Rajat, directeur l’antenne de l’Agence Française de Développement (AFD) à Mayotte. Il recevait maires, président d’interco et DGS à la CCI de Mamoudzou. Dans l’assistance, les parlementaires.
En 2015, c’est le cadeau empoisonné du passage à la fiscalité locale. Les ressources de l’Etat tombent à 50% du fonctionnement des communes, qui doivent recouvrer l’impôt foncier auprès de leurs administrés. Panique à bord ! Le cadastre défaillant ne permet pas de collecter les fonds espérés, certains maires utilisent alors la matraque fiscale pour s’en sortir, malgré des valeurs locatives les plus chères de France, étranglant le peu de contribuables imposables. Elles perçoivent enfin une partie de l’octroi de mer (taxe sur les produits importés) qui leur est dû, et qui partait au conseil départemental.
2017 : les impôts fonciers diminuent de 60% par un amendement du sénateur Thani Mohamed Soilihi. Ouf ! Les contribuables retrouvent le sourire, les maires moins, puisque leurs recettes s’envolent. Elles seront compensées par l’Etat l’année suivante, tout rentre à peu prés dans l’ordre. « A peu prés », car le foncier bâti et non bâti éligible à l’impôt foncier est loin d’être totalement répertorié : il représente 12% de leurs recettes contre 42% dans les autres DOM (L’Etat compense une petite partie).
Un petit moteur à débrider
Il manque donc des parcelles dans l’escarcelle ! C’est donc toujours sur le cadastre qu’il va falloir travailler, « la fiscalité directe locale est de 77 euros par habitant à Mayotte en 2018, contre 423 euros en Guyane », soit 6 fois plus de recettes !
Les communes respirent malgré tout : elles encaissent désormais l’octroi de mer à hauteur de 39% de leurs recettes (+22 millions d’euros entre 2015 et 2018), la Dotation Globale de Fonctionnement de l’Etat à 37% (+13 millions d’euros), les impôts locaux (taxes d’habitation et foncière) à 12%, l’Etat a compensé de 18 millions d’euros entre 2015 et 2018. « Les recettes ont augmenté de 62% de 2013 à 2018 », précise l’AFD. Et ça continue en 2019.
Tant mieux, car les frais de personnel eux aussi avaient explosé avec l’indexation des fonctionnaires à 40%, qui a atteint sont plein niveau en 2017. En conséquence, les charges de personnel n’ont pas augmenté en 2018, surtout que le quota d’emplois aidés a été revu à la baisse. Le niveau de service rendu à la population s’est accru, avec la mise en place des Centre communaux d’Action sociale (CCAS).
Plusieurs communes ont pu dégager de l’épargne, et ayant peu de dettes, s’en sortent mieux que les autres DOM. Contre toute attente, on entend donc l’AFD nous expliquer que Mayotte investit davantage que la Martinique, soit 251 millions d’euros en 2018. « Donc avec un moteur plus petit que les autres, nous arrivons à sortir un niveau d’investissements tout aussi important », explique Yves Rajat, qui conseille de mettre néanmoins un tigre dans ce moteur, « car des dépenses additionnelles vont arriver, liées à l’entretien des investissements effectués. » Une mise en garde qu’avait lancée le président de la Chambre régionale des Comptes.
Les écoles et le logement monopolisent les investissements
Pourtant, pas de pistes cyclables, de piscine municipale, et le mobilier urbain se résume souvent à quelques bancs… se désolent les administrés qui ont du mal à croire que les investissements sont au top. Le détail des investissements est éclairant : à plus de la moitié, ce sont les écoles (35%) et les logements (19%), destinés donc à éponger la croissance démographique. Pas grand chose est dégagé pour le bien-être de la population, comme les aires de jeux, ou les marchés couverts (2% des investissements). Il faut donc en effet continuer à faire grossir le moteur sans trop s’endetter pour poursuivre les investissements.
Cette évolution permet d’améliorer les délais de paiement, « en 2015, 15 communes étaient en difficulté de trésorerie sur 17, en 2019, c’est l’inverse, 12 ont une trésorerie satisfaisante. » Ce sont les 4 communes du sud qui font figure de bon élève en matière d’investissement dans les équipements, avec en tête Bandrélé, qui a misé sur les logements et autres équipements. Dzaoudzi et Bandraboua ferment la marche, mais Said Omar Oili, le maire de la 1ère, évoque avoir mis sur place la 1ère intercommunalité qui investit de son côté. « D’autre part, il s’agit de la photo des investissements sur la seule année 2018 », s’explique-t-il.
Difficile régularisation en ZPG
Pour poursuivre l’embellie, et entrainer les retardataires dans un sillage vertueux, trois points majeurs sont au programme des futurs maires. « Il manque d’ingénierie interne. Il faut savoir chercher les financements, monter les dossiers, suivre les chantiers. Si quelques une se sont dotées de cadre A, il manque des cadres intermédiaires qui peuvent encadrer les réalisations », explique l’AFD qui peut fournir l’appui de compétences.
Il faut ensuite améliorer les recettes. « Ce n’est pas la peine de chercher à augmenter les taux d’imposition, des millions d’euros peuvent être récupérés d’un adressage opérationnel », indiquait Yves Rajat. Mais pour le directeur des impôts, le DRFIP Jean-Marc Leleu, il faut généraliser le dépôt de permis de construire, « ça ne fonctionne pas à Mayotte, or c’est ce qui permet de tenir un cadastre à jour ». Ses services sont allés sur le terrain après avoir mis Mayotte sur pellicule depuis les airs en 2016, « nous avons pu recenser 30% de propriétaires en plus en deux ans. » Rebelote fin 2020.
D’autres blocages se font jour indiquait une intervenante du SIDEVAM, « lorsque les personnes implantées en Zone des Pas géométriques veulent régulariser, les services de l’Etat ne suivent pas ». Pourtant, la régularisation peut se faire quasiment gratuitement dans certains cas, « j’avais obtenu une décote pouvant aller jusqu’à 95% », rappelle Thani Mohamed.
L’objectif est également d’éradiquer les logements en tôle pour les remplacer par des logements en dur, « car ces cases ne sont pas imposables, donc sans compensation de l’Etat, et pourtant nous finançons la scolarité des enfants », rappelle Saïd Omar Oili, président de l’Association des Maires de Mayotte (AMM).
L’observatoire des communes se tenait cette année sur la journée, « nous voulons vous proposer des solutions de renforcement de vos capacités et vous accompagner vers des projets verts et de développement durable, notamment au regard du dérèglement climatique », concluait Yves Rajat.
Anne Perzo-Lafond
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