La piste longue, ok, on sait déjà que le plus long, ce sera les études de faisabilité et les études environnementales. Les 800 salles de classe, c’est bon, on sait que cela correspond aux besoins actuels, qu’ils vont aller grandissant, et qu’il en faudrait donc davantage, mais c’est une bonne base. Mais quid du port ou du deuxième hôpital sur lesquels le chef de l’Etat a donné peu de précisions ?
« L’Etat entrera dans la gouvernance du port avec comme objectif un bon fonctionnement de la Délégation de Service Public », a indiqué Emmanuel Macron. On se souvient que lors du Grand Débat à l’Elysée, il avait été interpellé sur ce point par le président du Département, et qu’il avait demandé de régler les contentieux encours. Ils perdurent entre le conseil départemental et sa délégataire, Mayotte Channel Gateway. « Entrer dans la gouvernance du port », cela pourrait signifier une évolution en deux étapes, selon un des connaisseurs du dossier. « Les parties pourraient envisager une rupture anticipée de la DSP, et dans ce cas, il faut évaluer l’indemnisation du délégataire, et parvenir à un accord avec lui. » C’est ce processus qui pourrait être enclenché, « avant pourquoi pas, l’évolution vers un Grand Port maritime », nous explique toujours notre interlocuteur.
Un deuxième hôpital ?
« Nous avons 170 millions d’euros pour étendre ou construire un deuxième hôpital pour répondre aux défis de santé. » Le président évoquait-il l’hôpital de Petite Terre, bientôt « inaugurable » ? ! Pas du tout. Les parutions de STATISS (STATistiques et Indicateurs de la Santé et du Social) redessine année après année la même carte du déficit en établissements de santé à Mayotte, un seul Centre hospitalier (CHM) et 4 centres de référence, contre 9 centres hospitaliers à La Réunion, et 15 établissements sanitaires.
Pour Mayotte, deux hypothèses avaient été émises, soit l’extension du site du CHM, soit un deuxième hôpital, avec deux lieux possibles, à Doujani ou à Combani, où 10 hectares seraient libérables, dans un esprit de décentralisation, sur un territoire où le réseau routier est retreint. Si l’extension du CHM a été privilégiée jusqu’à présent, avec foncier libéré par le tribunal, il semble que la discussion soit rouverte sur la décentralisation possible et la construction d’un second établissement. Ce qui éclaire sur la déclaration du président.
La retraite à 1.000 euros, c’est pour quand ?
En matière de convergence des droits, Emmanuel Macron a évoqué l’alignement pour les petites retraites et pour les personnes touchées par le handicap. Ce sera non seulement une bouffée d’air pour les personnes concernées, mais la hausse des minimas sociaux est aussi une arme contre le recours au travail illégal, moins onéreux. Si l’espoir des élus de décrocher une adaptation totale de la réforme sur le minimum retraite à 1.000 euros est à portée de main, il va falloir argumenter et se battre pour l’obtenir.
Une rénovation urbaine de longue haleine sans compétence
Autre sujet, l’éradication des logements insalubre sur un territoire où 4 habitats sur dix sont en tôle. « En ce qui concerne la rénovation urbaine et l’habitat, 220 millions d’euros sont débloqués pour ce secteur », explique le président Macron. Rien de nouveau, les opérations sont déjà en cours, par contre, un obstacle doit être franchi, « celui du manque d’ingénierie publique sur le terrain. Il concerne à la fois les élus et l’Etat. » Nous avons interrogé Olivier Klein, président de l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU), qui fait partie de la délégation présidentielle : « L’ANRU va envoyer des missions d’appui aux communes, et va travailler de concert avec l’Agence Française de développement pour mener à bien les projets. » L’ANRU qui souhaite « faire avec » les collectivités, et non pas « à la place ».
Mais que faire de l’ilot Mtsamboro ?
Enfin, évoquons la lutte contre l’immigration clandestine, puisque ce fut THE sujet de la visite présidentielle, abordé volontairement à Mtsamboro. Les arrivées se font par son îlot, sur lequel l’hypothèse d’une base militaire durable avait été évoquée. Un sujet sur lequel les forces armées sont frileuses, étant conçues pour mener des guerres, non pour les opérations de sécurité civile. Elles ont été draguées par l’opération Shikandra parce que annoncée comme civilo-militaire, calquée sur le plan Harpie de Guyane. Mais ce serait la limite de ce qu’elles peuvent donner.
Les gendarmes auraient par contre le profil pour, nous avons donc interrogé le général Philippe Leclercq, commandant de la gendarmerie à Mayotte : « Nous menons régulièrement des opérations sur l’ilot Mtsamboro, mais nous avons aussi comme mission la lutte contre l’insécurité. D’autre part, l’opération Shikandra vise valoriser l’îlot Mtsamboro. » Il s’agit d’en faire un havre de paix, avec infrastructures touristiques, pontons de plaisance, etc., pour que les agriculteurs sur place trouvent leur bénéfice dans la vente de leurs produits et ne soient pas tentés par une activité de passeurs lors d’arrivées de kwassas.
Ce que l’on peut retenir des annonces présidentielles, c’est qu’il est possible d’en tirer le meilleur, à condition de défendre les dossiers mordicus comme savent le faire les autres DOM.
Anne Perzo-Lafond
Comments are closed.