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jeudi 25 avril 2024
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2009-2019, Mayotte reste à l’heure d’hier monsieur le président !

Pas de chronique rageuse ou de vaines accusations dans les lignes qui vont suivre, mais seulement un constat. Celui de l’évolution démographique de l’île sur 10 ans, mise en perspective avec celle de ses infrastructures. Chaque année, 10.000 bébés naissent, deviennent des enfants à scolariser, puis des adultes qui doivent se loger, se déplacer et voyager. Mais la démographie l’a emporté sur les réalisations.

En 2009, l’île compte environ 195.000 habitants, un nombre qui croissait de 2,7% par an à l’époque. Son attractivité régionale renforce ce taux qui passe à 3,8% depuis 2012. En 2019, nous sommes environ 280.000. Les 10.000 naissances annuelles sont portées aux trois quarts par les mères de nationalité étrangère, comorienne pour la plupart, en 2018 (Source INSEE* – Lire INSEE memo parutions 2019)

Nos enfants étaient 77.603 à prendre le chemin de l’école en 2009, dont prés de 50.000 dans le 1er degré, 28.410 dans le second degré. En 2019, ils sont 98.833, les collégiens et lycéens étant passés à 46.543, une hausse considérable. Le nombre de salles de classe en 2009 n’est pas connu. Par contre, un chiffre parle tout seul : on comptait dans le premier degré à la rentrée 2018, 1.709 salles pour 2.501 classes, « 2.501 divisions » en langage éducation nationale, c’est à dire qu’il manque 792 salles sur l’ensemble de l’île (Source vice-rectorat*). Quelques mois avant d’être élu à la présidence de la République, François Hollande avait pourtant promis lors de sa venue à Mayotte en mars 2012, la construction de 500 salles de classe pendant son mandat. Le système de rotations perdure donc, deux classes se partageant une salle, le matin et l’après-midi. Au manque de bâtiments se rajoute le dédoublement des classes de CP et CE1 cette année, avec un effectif à 12, qui accroit les besoins en infrastructures.

Nuits blanches pour un réseau noir de monde

Exemple de deux classes en rotation

Des jeunes qui passent leur bac, et deviennent ensuite des consommateurs d’espaces publics, qu’ils restent sur place, ou reviennent après leurs études. L’achat d’une voiture reste le symbole de l’accès à la société de consommation, et surtout, indispensable à Mayotte en l’absence de transport en commun. Le taux d’équipement des automobiles est rapporté au nombre de ménages. Nous étions 23% des 45.700 ménages de l’île, à conduire notre voiture en 2007, soit 10.000, alors qu’en 2017, ce sont 25% des 63.000 ménages, soit 15.000, qui sont derrière un volant. En 10 ans, les routes ont donc accueilli 5.000 voitures de plus. Pour un réseau routier qui est resté strictement le même. Pour le dire autrement, un couple résidant à Koungou, qui travaille à 7h Kawéni (à 7km) après avoir laissé ses enfants à l’école, doit se lever à 5h du matin. Ne parlons pas de ceux qui résident à Kani Keli, le réveil sonne à 4h du matin, avec la fatigue et la perte de productivité qui s’en ressentent.

La ministre de la Santé Agnès Buzyn en visite au centre de référence de Dzoumogné en 2017

Les 43% d’habitants supplémentaires en dix ans ont de plus en plus de mal à se soigner. Bien que le centre de soins de Dzoumogné ait été inauguré en 2010, l’offre de soin a peu évolué. Un chiffre avait mis le feu aux poudres de la dépendance du système de santé : l’Etat verse 900 euros par an pour la santé d’un habitant de Mayotte, contre 3.000 euros pour un Réunionnais. Une Agence de Santé autonome à Mayotte doit y répondre, mais demeure le problème de saturation du système de santé.

« Un territoire toujours en bidonvilisation »

Certains vivent de manière décente, d’autres non. Quatre logements sur dix sont en tôle, un taux linéaire depuis 20 ans. En 2017, six logements sur dix n’ont pas le confort sanitaire de base, WC ou douche, et prés de 8.000 personnes s’approvisionnent dans des rivières polluées. Alors qu’en 2007, 6 logements sur 10 n’avaient pas l’eau courante, ils ne sont plus que 3 sur 10 en 2012, un net progrès, mais le taux est resté le même depuis, stoppé par le manque d’investissement. L’assainissement peut être considéré comme inexistant. Deux macro-stations d’épuration ont été inaugurées, celle du Baobab à Mamoudzou et celle de Dembéni, en 2011. Sur cette dernière, le taux de raccordement est de moins de 10%, faute de politique adaptée.

Des cases en tôle fraîchement implantées dans la forêt sur les hauteurs de Koungou

Le territoire est toujours en bidonvilisation, selon Abdou Dahalani, président du Conseil économique et social : « Nous avons besoin d’une reconquête de l’espace pour implanter nos infrastructures. Or, le temps judiciaire d’évacuation de l’habitat illégal est beaucoup plus long que l’urgence de nos projets, comme l’assainissement, à mener au quotidien. Pour trouver des solutions rapidement, il ne faut plus lister des programmations sur de longue période, mais le faire sur du court terme. »

Enfin, pour quitter l’île, en 2009, deux compagnies se partageaient l’essentiel du marché, Corsair et Air Austral, et dans une moindre mesure, Kenya Airways. Si la Kenyane est toujours présente via Nairobi, en 2019, Air Austral s’affiche en quasi-monopole, avec un prix du billet qui rend l’île peu attractive depuis Paris, au regard des destinations concurrentielles. La panne du B787 a même totalement isolé Mayotte pendant plus de 24h il y a quelques semaines, les pilotes des appareils de substitution n’étant pas formés pour notre courte piste.

Conclusion, si la population a cru de 43% en dix ans, aucune infrastructure n’a suivi, au contraire, le territoire s’est donc enfoncé dans le sous-développement. Et dix ans, c’est très court à l’échelle d’une vie.

Anne Perzo-Lafond

* Une décennie de chiffres que nous avons pu retracer grâce à la réactivité des services du vice-rectorat, de l’INSEE et de l’antenne mahoraise de l’ARS OI

Anne Perzohttps://lejournaldemayotte.yt
Anne PERZO Le journal de Mayotte https://lejournaldemayotte.yt

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