Lors de la bascule vers la fiscalité de droit commun, les contribuables mahorais s’étaient retrouvés étranglés par les taxes foncières et d’habitation explosives, identiques à celles des beaux quartiers en métropole. Notamment sur le quai des Chartrons à Bordeaux, pour ne prendre que cet exemple. La valeur locative de référence de 2012 à Mayotte contre 1970 en métropole expliquait ce décalage, qui avait pu être revu drastiquement à la baisse il y a deux ans, grâce à l’action d’un cabinet de conseil aux collectivités locales (A6CMO, devenu Philippe Nikonoff conseil) et des élus qui étaient monté au créneau. Ils avaient eu gain de cause, puisque elles avaient été revues de 60% à la baisse.
Il semble qu’il faille remettre le couvert, mais pour les locaux professionnels cette fois. « Quand l’Etat s’est attaqué à la réforme de la diminution de 60% sur les locaux d’habitation, il aurait du revoir aussi le différentiel sur les locaux professionnels à Mayotte », constate Philippe Nikonoff, à la tête du cabinet de conseil éponyme.
Entrée en vigueur au 1er janvier 2017, la Réforme des valeurs locatives des locaux professionnels (RVLLP), qui servent de base au calcul de la fiscalité locale appliquée aux entreprises, a été précisée dans deux décrets en date du 28 juin 2018. Pour trouver les nouveaux paramètres d’évaluation (sectorisation, grille tarifaire et coefficients de localisation), il suffit de se rendre sur ce site en cliquant ici.
Les hôtels taxés 60% plus cher
Compliqué de s’y retrouver au milieu d’une forêt de nomenclatures, mais elles sont regroupées selon deux critères : le type de local (hôtel, bureau, atelier, clinique, etc.) et la zone géographique. Comme nous l’avions fait pour les valeurs locatives privées, tentons un comparatif entre Mayotte et Bordeaux. Encore une fois, il ne tient pas la route de la logique. Le propriétaire d’un atelier dans la zone la moins chère, devra s’acquitter d’un impôt de 42 euros le m2 en Gironde, contre 53 euros à Mayotte. La différence passe du simple au triple pour une clinique de base, 55€/m2 en Gironde contre 162€/m2 à Mayotte. Pour un domaine qui nous intéresse, les hôtels, l’emplacement le moins cher est taxé à 82€/m2 en Gironde, contre 123 € à Mayotte.
C’est comme une impression de déjà vu pour Philippe Nikonoff qui fustige les services du ministère des finances, et ironise : « Alors que nous avions bataillé pour obtenir une baisse des valeurs locatives pour les locaux d’habitation, on aurait pu naïvement penser qu’à Bercy, un soin maniaque allait être porté sur ces nouvelles grilles pour les locaux professionnels. Mais finalement la consonance de début de mot est la même, si on ne fait pas dans le maniaque, on est dans le magnégné. »
Convergence de la métropole… sur Mayotte
Il évoque le travail théoriquement mené sur place, « pour chaque département français, une réflexion est menée, et les collectivités sont informées, c’est le cas en Gironde », département d’origine de Philippe Nikonoff, qui dit ne pas avoir eu connaissance de telles réunions à Mayotte.
Nous avons contacté la Direction Régionale des Finances Publiques (DRFIP) à Mayotte, qui ne peut qu’appliquer les directives légales. Mais le directeur, Jean-Marc Leleu, évoque l’évolution en cours : « Les valeurs locatives des locaux professionnels à Mayotte sont en effet toujours indexées sur l’année 2012, donc élevées, mais en métropole, elles vont connaître le même destin. Un rattrapage a été initié en 2017, étalé sur 10 ans, avec comme référence 2013. » Tiens, tiens, une convergence ralentie pour rattraper les niveaux de Mayotte, voilà qui est savoureux.
Rappelons qu’en basculant en fiscalité de droit commun en 2014, nous avons atteints des niveaux de taxes foncières jamais égalées sur le plan national, quand les avantages sociaux et les retraites restaient plafonnés.
Et les locaux d’habitation devraient suivre le même chemin en métropole d’un rapprochement peu douloureux vers les valeurs locatives du marché en 2013, et non plus 1970.
La seule solution, que les élus reprennent leur armure de combat pour obtenir un rabais pour les locaux professionnels, avec un éventuel étalement du rattrapage comme cela se fait dans l’Hexagone.
Anne Perzo-Lafond
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