C’est une nouvelle étape du recensement mené en 2017, et dont l’Insee analyse toujours les résultats. Cette fois, l’institut national des statistiques et études économiques se penche sur le logement. On se souvient que le recensement s’était appuyé sur différents partenaires, Etat, département, communes etc. pour un recensement le plus exhaustif possible, avec notamment des relevés aériens pour visiter les habitats officieux les plus reculés. Le résultat confirme donc ce qui est observable : les logements en tôle sont toujours plus nombreux. Depuis 2012, on en compte 6600 en plus.
Mais cette augmentation suit la courbe démographique. Ainsi le nombre de résidences principales, en tôle ou en dur, a augmenté globalement de 4,1% par an pendant cinq ans (de 2012 à 2017) pour atteindre 63 100 logements, alors que la population a augmenté de 3,8% par an durant la même période.
Mais si on observe les statistiques sur 20 ans, d’autres données émergent. D’abord, en 1997, un logement sur cinq était encore bâti en bois ou torchis. Ce taux a chuté à moins de 1% aujourd’hui. Le nombre de logements en dur était en revanche déjà de 60% à l’époque. Le glissement s’est donc fait vers les cases en tôle dont le nombre a été multiplié par quatre depuis 1997. La part de cases en tôle est passée de 14% à 38% en 20 ans.
Sans surprise, ces logements en tôle sont principalement concentrés autour des zones urbaines, notamment le long de l’axe Koungou-Mamoudzou-Dembéni. C’est à Bouéni que l’on trouve le moins de maisons en tôle. Mamoudzou et Koungou comptent à elles seules la moitié des logements sans eau courante de l’île.
Les disparités sont donc géographiques, mais aussi ethniques. Ainsi, il ressort de l’étude que 65% des étrangers vivant à Mayotte habitent une case en tôle. Ils ne sont toutefois pas les seuls, puisqu’un Français sur quatre à Mayotte vit dans des habitations similaires.
Le lieu de naissance joue aussi, au delà de la nationalité. Ainsi les Français nés en métropole ou dans un autre DOM sont près de 90% à avoir un logement en dur contre seulement 52% des Français nés à Mayotte et 55% des Français nés à l’étranger. Seuls 13% des étrangers ont un logement en dur.
Il en découle selon l’Insee que l’essor des cases en tôle est une “réponse aux besoins urgents des nouveaux immigrants”.
Un accès à l’eau encore précaire
L’Insee dans son étude s’est aussi penchée sur l’accès à l’eau, et il en ressort une grave question de santé publique. Ainsi, un tiers des habitants de l’île n’ont pas accès à l’eau courante, soit 18 300 ménages ou 81 000 habitants. L’eau courante à domicile ne représente que 29% des résidences principales à Mayotte. C’est moins qu’en Guyane où ce taux est évalué au double. Toutefois une évolution est notable sur le long terme. En 1997, 80% des logements n’avaient pas d’eau potable. Depuis 2012, l’accès aux fontaines d’eau potables a augmenté de plus de 50%.
Mais une question majeure se pose : l’enquête révèle que 1600 ménages n’ont d’autre accès à l’eau que les rivières et ruisseaux, dont 1000 sur les territoires de Mamoudzou et Dembéni. 7300 habitants sont ainsi exposés à des risques sanitaires liés aux maladies causées par la qualité de l’eau, parmi lesquels pas moins de 1450 enfants de moins de 5 ans.
Par ailleurs, 95% des logements en tôle manquent d’au moins un élément de “confort de base” tel qu’eau courante, toilettes etc. Seuls 20% des logements en tôle ont l’électricité contre près de 100% de ceux en dur
En plus d’un accès limité aux conforts de base comme l’eau ou l’électricité, beaucoup de logements sont surpeuplés. L’Insee estime que 57% des habitations auraient besoin d’une pièce supplémentaire, et un logement sur trois nécessiterait deux pièces supplémentaires. Le taux de logements surpeuplés n’est que de 19% en métropole.
Plus d’une centaine de tableaux sur le logement et le recensement à Mayotte sont mis à disposition sur le site Internet de l’Insee, avec des données commune par commune : https://www.insee.fr/fr/information/2411261
Ces données ont vocation à “éclairer le débat public”. Elles trouvent tout leur sens alors que l’Etat a entrepris, en partie grâce à la loi Elan, une vaste lutte contre les bidonvilles et l’habitat insalubre en général à Mayotte. Les prototype de logement à structure métallique présentés lundi à Annick Girardin s’inscrivent dans cette même volonté de résorption de l’habitat insalubre dans notre département. On ne peut donc qu’espérer que les futurs recensements montrent une évolution positive, et une inversion durable de certaines courbes.
Y.D.