Affolement général lundi matin dans le petit monde médical. Le papa d’un enfant de cinq ans, suivi pour un syndrome rare et souffrant de divers handicaps, venait d’être interpellé par la police aux frontières. En quelques heures, des soignants prennent contact avec la préfecture, qui renvoie vers les associations présentes au CRA, notamment Solidarité Mayotte. Trop tard. A midi, le papa est déjà dans le bateau en direction d’Anjouan.
Le problème, c’est que de sources concordantes, l’enfant n’a qu’un responsable légal sur le territoire : son papa. Ensuite, ses problèmes de santé font l’objet de soins à Mayotte qui ne sont pas disponibles aux Comores. Enfin, l’enfant risquant de graves crises d’épilepsie en cas de stress, la présence de son père est jugée “indispensable” par le personnel médical. Une information mise en cause par la préfecture qui évoque “selon nos services une maman vivante qui se trouve auprès de l’enfant”. Or toujours selon nos informations, celui-ci a dû être admis en structure spécialisée faute de parent sur le territoire.
Au regard de ces éléments que nous avons recueillis tout au long de la semaine en parallèle de nos confrères de Mayotte la Première qui relatent aussi l’histoire, il apparaît que le papa n’aurait pas dû être reconduit.
“Sur la question des personnes malades, ou des parents d’enfants handicapés, la position de la préfecture c’est de ne faire prendre aucun risque à l’enfant, c’est la base, il n’y a pas de débat. Ce qui prime c’est l’intérêt supérieur de l’enfant.” assure le sous-préfet en charge de la lutte contre l’immigration clandestine Julien Kerdoncuf. “On n’a aucun intérêt à prendre des risques de contentieux à éloigner des personnes qui ne sont pas éloignables” poursuit-il.
Mais selon les associations que Mayotte la Première a pu contacter, ce genre de dysfonctionnement n’est pas isolé.
“Ce sont des situations que nous observons tous les jours” regrette Solène Dia, de la Cimade. “Des parents d’enfants français, des enfants français, des personnes gravement malades sont éloignées sans examen attentif de leurs dossiers. “
Une position fermement contestée par le sous-préfet. “Le message que je donne toujours aux forces interpellatrices, c’est d’être absolument irréprochables dans l’accueil et l’accompagnement juridique des retenus” dit-il. ” Malheureusement, les associations ne sont pas présentes 24 heures sur 24 au CRA, ni les week-ends ou les jours fériés” poursuit-il. Du coup, “sur un volume aussi important que celui qu’on traite à Mayotte, il peut y avoir des erreurs, des dysfonctionnements, des difficultés qui passent entre les mailles du filet” regrette le sous-préfet.
Le “filet” en question, ce sont selon lui quatre niveaux de vérification censés éviter ce genre de situation. Le premier, c’est “les forces interpellatrices, police ou gendarmerie” qui recueillent les premiers éléments auprès des interpellés. En cas de doute, un deuxième niveau de vérification doit avoir lieu auprès de la préfecture, par téléphone directement depuis le lieu du contrôle. Ensuite en arrivant dans les locaux de la PAF, où les associations n’ont pas accès, une troisième vérification doit avoir lieu. Enfin au CRA, la présence des associations doit permettre un ultime niveau de contrôle pour éviter les bourdes. Mais selon ces associations, seul un retenu sur six en moyenne a accès aux juristes, en raison d’un nombre trop important de personnes transitant au CRA, et du délai trop court entre leur arrivée, et leur expulsion. La préfecture se veut elle prudente sur cette estimation.
Reste que l’information fait grincer des dents, alors que la ministre des outre-mer, qui réclamait en début d’année un record de 25 000 reconduites en 2019, doit arriver lundi sur le territoire. Et si la préfecture assure que ces cas sont une infime minorité, elle indique aussi travailler sur des “mécanismes d’alerte”. Une sorte de téléphone rouge entre médecins et préfecture afin de signaler une potentielle erreur de jugement avant qu’il ne soit trop tard. Un outil qui aurait trouvé toute son utilité lundi dernier.
Y.D.