A peine un an après avoir été obligée d’immobiliser ses deux B787-8, 11 mois exactement, la compagnie Air Austral est de nouveau contrainte de se passer d’un de ses deux Dreamliner, son F-OLRC. Les mêmes causes ayant produit les mêmes effets : l’usure prématurée des ailettes des moteurs de la série Trent 1000 chez Rolls Royce, équipant les Boeing 787. L’appareil étant de nouveau bloqué pendant deux mois, Air Austral, seule à desservir Mayotte, jongle avec les affrètements, pour tenter de coller au trafic de haute saison qui s’annonce.
La société Rolls Royce se disant prête à répondre à nos questions, nous avons tenté d’en savoir plus, sur le risque que ce phénomène se produise de nouveau à courte échéance, en particulier sur le second Dreamliner, qui supplée actuellement son frère jumeau sur la liaison directe Mayotte-Paris.
C’est en 2016 que les premiers problèmes apparaissent sur la série de moteurs Trent 1000 équipant le B787. Depuis, plusieurs compagnies ont été touchées outre Air Austral, puisque l’exploitation de British Airways, de la japonaise ANA, de Norwegian, de Singapore Airlines et de Virgin Atlantic, a elle aussi été perturbée.
A l’été 2018, ce sont même prés de 50 avions qui étaient cloués au sol. De son côté Rolls Royce identifie l’origine du problème, la corrosion accélérée des ailettes de moteur, comme nous l’expliquent ses représentants, depuis le salon du Bourget à Paris : « Nos ailettes ‘ Intermediate Pressure compressor’ chargées d’adapter le volume d’air admis dans la chambre de compression, ont vu leur durée de vie raccourcies par les conditions environnementales autour des appareils, particulièrement au-dessus de certains aéroports, avec des particules susceptibles de provoquer une accélération de l’usure ».
Les ailettes « new generation » validées
Les dirigeants de Rolls Royce ne se prononcent pas en revanche sur l’impact que pourrait avoir sur les moteurs, les fortes poussées au décollage sur la courte piste de Pamandzi. Il est vrai que d’autres compagnies sont touchées dans le monde par la même usure sur leurs B 787, sans cette particularité. « Certaines parties de moteurs Trent 1000 s’usent plus rapidement que d’autres, pour les raisons d’environnement mentionnées ci-dessus, mais aussi en fonction des contrainte d’ingénierie propres à chaque appareil », commentent-ils.
Pour y pallier, l’entreprise a travaillé depuis un an pour revoir la composition de ses pièces, et a élaboré un prototype, une ailette redesignée, avec de nouveaux composants. Elle vient d’obtenir une double validation de la part de l’Agence Européenne de la Sécurité Aérienne (AESA), et de la Federal Aviation Administration (FAA). « Nous ne l’avions pas encore l’année dernière, c’est pourquoi les appareils ne pouvaient encore recevoir ces nouvelles ailettes. Mais désormais, les ailettes nouvelle génération équiperont tous les avions concernés ».
Pas de précision sur la durée de vie de ces ailettes « new generation », en revanche : « En fait, nous avons revu toute la procédure de contrôle. Désormais, nous surveillons en permanence l’usure des ailettes depuis notre nouveau Airline Aircraft Availability Centre, ouvert en juin 2017. Il combine les derniers outils de management numérique, avec l’innovation technologique. » Une technicité dont la marque ne disposait pas lors de la découverte des premiers problèmes, expliquant les délais de fabrication de nouvelles pièces.
Le 2ème Dreamliner recevra les mêmes ailettes
C’est ainsi que par le biais du boroscope effectué le 3 juin dernier, imposé désormais par l’Agence européenne de sécurité aérienne à toutes les compagnies utilisant ce type de moteur Trent 1000, Air Austral a pu faire constater l’état des ailettes, bloquant immédiatement l’avion au sol. Avec la fabrication en série des nouvelles pièces, plus besoin d’immobiliser l’appareil sur une aussi longue période comme c’est actuellement le cas, « il restera bloqué deux mois au total ». Le second B787-8 d’Air Austral sera lui aussi équipé de cette nouvelle technologie, “toute la flotte d’avions concernés les recevra”.
Pas de divulgation de chiffre sur la compensation versée à la compagnie réunionnaise pour le manque à gagner, « cela relève du domaine d’accords commerciaux que nous ne pouvons divulguer ». Le journal Les Echos avait avancé la somme de 800 millions de pounds, « nous travaillons étroitement avec Air Austral », obtiendrons-nous pour toute réponse.
Par contre, Rolls Royce confirme que cette mésaventure lui coute sa participation au marché de la motorisation du B 797, ou NMA*, « nous nous retirons, n’étant pas en mesure de monter une proposition dans les temps. »
Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond
* New Midsize Airplane