C’est la saison des exams, et la préfecture n’y a pas échappé. Une délégation de la Commission européenne est à Mayotte pour juger du taux de consommation effective de chacun des fonds européens lors d’un exercice annuel, le Comité Régional de suivi (CRUS).
Lorsque Mayotte a basculé Région Ultrapériphérique (RUP) de l’Europe en 2014, cela correspondait au démarrage d’une programmation de fonds, 2014-2020. Le conseil départemental n’a pas voulu assumer la responsabilité de montants, autour de 300 millions d’euros, qu’il n’était pas habitué à gérer. Il a donc refilé le bébé à la préfecture, le temps de se préparer. Nous revenons sur le temps mis par cette dernière pour obtenir l’agrément d’autorité de gestion, et sur la valse des SGAR, sous-préfet chargé des Affaires régionales, pour expliquer ce qui suit : nous frôlons toujours le dégagement d’office. C’est à dire que, faute d’avoir été consommés avant le 31 décembre de l’année qui suit leur programmation, les crédits seront annulés par la Commission européenne, un « malus » pour négocier l’enveloppe ultérieure.
Les chiffres ne sont donc pas très bons, convenait le préfet Dominique Sorain, qui a repris un morne flambeau qu’il a su rallumer il y a un an, « mais Mayotte est la petite dernière des RUP, et a du faire en quelques années, le parcours que d’autres ont fait depuis longtemps », faisait-il remarquer. Très peu de projets ont été payés.
Sur le Fonds Européen de Développement Régional (FEDER), 148,8 millions d’euros, destiné à financer les infrastructures et le développement économique, 63% des crédits alloués sont programmés, et seulement 24% payés. Sur le Fonds Social européen (FSE), 62,6 millions d’euros, destiné notamment à la formation et l’insertion, seulement 30% de programmés, et 12% de payés. Sur ces deux seuls fonds, en comptant les contreparties nationales, de l’Etat, des collectivités territoriales ou des porteurs de projets, ce sont 332 millions d’euros qui auront du être investis dans le territoire en 2020.
Sur le Fonds européen agricole pour le Développement rural (FEADER), 68% ont été programmés, et seulement 18% payés, et sur le Fonds européen pour les affaires maritimes et a pêche (FEAMP), 27% programmés, et 0% payé.
« Il y a énormément à faire en terme de paiement »
Le préfet revenait en préambule sur ce qui avait été financé : deux amphidromes, l’hôpital de Petite Terre (depuis 2015…), une petite partie des lits d’arrêts Emas de l’aéroport, plusieurs opérations du Plan Urgence eau, le quai de transfert de Kahani, des formations du RSMA, des chantiers d’insertion Mlézi Maoré, l’accueil de jour M’sayidie des Apprentis d’Auteuil…
« Il faut pousser la réflexion pour comprendre pourquoi les taux de programmation et les taux de certification sont faibles, et pourquoi les délais d’instruction et de paiement sont si longs », invitait Sidi Mohamed, Conseiller départemental chargé des Affaires européennes, qui représentait aussi le président du Département, toujours absent des évènements (« en retrait » nous dit-on). Le conseil départemental reprend, à travers son rôle bientôt « toiletté » de Région, l’autorité de gestion du FEDER et FEDER CTE en 2021. La remarque de l’élu ressemblait donc à une supplique pour améliorer la situation.
Le verdict était donné par Elvira Bakker, Direction générale de l’agriculture, à la tête de la Délégation, qui comprend également, Gaëtane Meddens, Correspondante FSE, Hanana Gassot, FEADER, Michel Wolf, responsable de projet à la DG REGIO, Julien Frey, DGEFP. « Il y énormément à faire en terme de paiement, en raison d’un trop grand décalage avec les programmations. La remontée des factures pose un problème, l’ingénierie doit être développée ». Sur un territoire qui n’était « pas habitué aux fonds européens », elle demande « un accompagnement quotidien des porteurs de projets. »
Nouvelle invitation à solliciter l’assistance technique de Bruxelles
Une « remontada » a été saluée, « avec une dynamique enclenchée et une bonne vitesse de croisière sur la fin », correspondant à l’arrivée du nouveau SGAR Yves-Marie Renaud, et surtout celle dans ses services de Maxime Ahrweiller, inspectrice de l’administration, qui assurait la présentation du Comité régional de suivi. A noter une « très forte accélération des certifications en cours ».
Sur le risque de perte potentielle de crédits lors d’un dégagement d’office, Elvira Bakker appelait à « la vigilance » en attente des montants qui doivent encore être validés par Bruxelles. « Si les priorités du FEADER sont atteintes, ce n’est pas le cas pour le FEDER et le FSE. » Elle regrettait notamment que les documents distribués en séance ce jeudi n’aient pas été envoyés dix jours auparavant comme cela doit se faire.
Et défi supplémentaire, il faut aussi préparer la prochaine enveloppe de 2021, « nous vous engageons à être actifs de façon différente pour chacun des fonds. Mayotte ne doit pas perdre des crédits alors que ses besoins sont élevés ! N’hésitez pas à nous solliciter, nous vous assurons de notre engagement total. » La délégation rappelait également l’existence de l’assistance technique aux fonds européens à Bruxelles, que l’eurodéputé Younous Omarjee nous enjoint régulièrement de solliciter.
De la compétence, Dominique Sorain est allé en chercher à l’extérieur en attendant de monter la plateforme d’ingénierie inscrite au Plan d’urgence pour Mayotte : « Nous avons externalisé en sollicitant un cabinet pour gérer les appels à projet FEDER, et pour l’examen des dossiers et la certification du FSE. »
« Bienveillance » de la part de la Commission européenne et « accélération » de la part des acteurs mahorais, sont les deux mots qui caractérisaient cette plénière du CRUS, pour en générer un 3ème, toujours le même, « l’ingénierie ».
Anne Perzo-Lafond
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