Au 1er janvier 2014, Mayotte devient Région Ultrapériphérique de l’Europe. En mars 2016, la BGE est invitée à une réunion, « on nous a expliqué que nous devions nous passer des financements de l’Etat via la Dieccte, pour basculer vers les fonds européens », se rappelle Zaharati Darouechi, directrice par interim de la BGE.
Seulement voilà, comme beaucoup de petites boites, rien ne l’avait préparé à accuser le coup, surtout, sans transition entre ces deux managements. Après des mois de galère, elle a remonté la pente et s’est structurée pour proposer des actions correspondant à l’ensemble des fonds européens, FEDER, l’agricole FEADER, le social FSE et l’IEJ, l’Initiative Emploi des Jeunes.
Ce mercredi, c’est devant une délégation de la commission européenne, présente sur le territoire pour assister au Comité Régional Unique de Suivi (CRUS), que ses président et vice-président, Nabilou Alibacar, et Adrien Michon, présentait une structure de 12 salariés, et les actions menées : Accompagnement des créateurs d’entreprises demandeurs d’emploi, Ingénierie de projet pour lesdits créateurs, accompagnement de projets économie social et solidaire, mise en réseau des entrepreneurs ou accompagnement des projets agricoles.
Des fonds qui se font attendre
Sur le papier, le budget a fait un bond, en passant de 250.000 euros lorsque l’Etat abondait, à 1,14 million d’euros, avec les fonds européens. Mais avec moins de fluidité et des problèmes de trésorerie liés à la rigidité administrative bruxelloise : « Sur 2016, nous avons 238.000 euros dehors, et nous n’avons pas encore conventionné pour 2018-2019 », avec un prévisionnel de 635.000 euros, et sans avoir encore obtenu les 20% d’avance. Beaucoup de trésorerie dehors pour une petite structure. « Les services instructeurs de la préfecture tardent à donner l’autorisation pour que les crédits soient décaissés », apprend-on dans les couloirs.
La difficulté posée par le recours aux fonds européens était illustrée par l’entrepreneur mahorais, Tanchiki Maoré, qui rapportait son histoire devant une délégation séduite d’emblée, puis surprise. Des débuts il y a 10 ans, avec un unique camion rouillé « Berlier », destiné à la vidange des fosses septiques et à l’entretien de l’unique station d’épuration de l’île à l’époque, à sa réussite actuelle, 86 salariés chez MAP, 30 camions. « Mais avec quels fonds européens ? Feder et FSE ? », s’enquiert la délégation. « Aucun, parce que pendant que vous montez les dossiers, le travail n’avance pas, les banques m’ont fait confiance. Par contre, j’aurais besoin de votre aide pour l’hôtel Trévani que j’ai repris en difficulté, mais là, on m’a dit que je ne pourrai pas bénéficier de fonds européens. »
Des difficultés, le Fonds Européen Agricole de Développement rural (FEADER) en connaît aussi. « Nous avons répondu à l’appel à projets, mais les agriculteurs ici n’ont pas de comptabilité, c’est un frein aux demandes de subventions. Nous les formons à l’intérêt de détenir une comptabilité », informait la responsable BGE.
Des petites structures qui ont pâti de la bascule des fonds auxquels elles ne peuvent donc plus accéder, « par exemple, le fait de ne pas maitriser le foncier exclut de fait l’agriculteur », expliquait-elle devant un des responsables européens sceptique qui s’il avait les pieds à Mayotte, avait encore la tête à Bruxelles.
Une mission précieuse donc pour comprendre les challenges que doit vaincre Mayotte, et qui éclaire sur la bienveillance avec laquelle les dossiers doivent être examinés.
Anne Perzo-Lafond
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