C’est un beau bras de fer que vient de remporter le président du Sieam contre le géant Vinci. Ce dernier avait engrangé des bénéfices qui dépassait le contrat initial, « mais parce qu’il était mal ficelé », rappelle Bavi. Son prédécesseur à la présidence du Sieam, feu Maoulida Soula, avait initié la négociation, muée en rapport de force, en tentant de faire rédiger à la multinationale un avenant à la Délégation de service public du service de l’eau potable. Une mission qu’il n’avait pas eu le temps de mener à bien, la maladie l’ayant emporté. « Mais il m’avait remis le dossier, j’ai donc poursuivi le combat », rapporte Bavi.
Qui avait mis en évidence par le biais du cabinet COGITE, un bénéfice estimé de 18 millions d’euros sur la longueur de la DSP, quand le contrat initial le plafonnait à 300.000 euros. En menaçant de rompre le contrat avec Vinci, Bavi aura mis le doigt où ça fait mal, obligeant la société à transiger si elle ne voulait pas perdre la délégation.
Prés de 7 millions d’euros pour renflouer les caisses
Le conseiller spécial de Gino Gotti, Président de Vinci Construction DOM-TOM, était présent à Mayotte la semaine dernière pour négocier, en présence de la préfecture de Mayotte et de leurs conseils respectifs. L’accord a été signé ce vendredi. Il porte sur un partage des bénéfices à 50-50, alors qu’il était actuellement à 80% pour Vinci, et 20% pour le Sieam. Le syndicat intercommunal devrait donc empocher prés 7 millions d’euros, pour partie en cash, pour partie en rétrocession. Le raccordement des compteurs d’eau coutera 10% moins cher, « pas touche au prix de l’eau ! », lance le président. Une manne qui va renflouer se trésorerie.
Mais aussi, désormais, c’est en co-gouvernance que sera gérée la SMAE, la Mahoraise des Eaux, « nous allons recruter une personne au Sieam qui sera positionnée sur ce partage de gestion ». Avec dans l’idée d’introduire une transparence qui a fait défaut ces derniers temps. Le directeur Jean-Michel Renon, qui a beaucoup donné à son poste, aurait souhaité prendre de nouvelles fonctions, ce sera donc deux nouvelles têtes qui vont prendre les rênes de la SMAE. “L’avenant au contrat de DSP doit être signé le 30 juin 2019”.
« Donc, j’avais raison ! », clame Bavi, qui vise sans les nommer les maires, dont le président de l’AMM, qui, craignant d’avoir à payer une indemnité en cas de rupture de la DSP, s’y sont opposés. Le président du Sieam dit avoir laissé quelques plumes dans ce combat. Et il s’interroge sur la suite qu’il compte donner à son engagement : « En menant cette lutte pour rompre la DSP, nous avons été attaqués de partout, moi et ma famille. Je compte d’ailleurs déposer plainte. Et j’ai perdu mon emploi à la CCI. » Dans une sentence mystérieuse, il dit avoir « pris acte pour la suite de son combat politique ».
Un Syndicat sous tutelle ?
Nous l’interrogeons sur un lien éventuel entre cette « lassitude » et l’avis négatif de la Chambre Régionale des Comptes (CRC) portés sur sa gestion, avec un nouveau contrôle en cours, qui était destiné à évaluer le préjudice pour les communes d’une éventuelle rupture de la DSP : « C’est plutôt que j’en ai ras-le-bol des contrôles à répétition, à 6 mois d’intervalle. Jamais une collectivité n’a été autant attaquée que nous ! »
Il se murmure que le Sieam pourrait même être placé sous tutelle, avec dans ce cas, un budget réglé par la Chambre régionale des Comptes. Qui avait déjà glissé cette préconisation lors du précédent avis, sous la forme d’un comité de pilotage. Une position ni confortable, ni valorisante pour un président.
Pour l’instant, Bavi savoure sa victoire, celle d’un pot de terre de Ouangani, dont il est originaire, contre un pot de fer peu habitué à plier.
IL reste désormais un autre combat à mener, celui des investissements inscrits au Plan urgence eau, qui auront pris beaucoup de retard avec cette affaire, et malgré le mauvais état des comptes.
Anne Perzo-Lafond