L’heure est à la recherche d’une « marque Mayotte ». Ça a du bon. On sort de la léthargie et des revendications, pour parler accueil et développement économique. C’est l’Agence de Développement et d’Innovation de Mayotte (ADIM) du Département qui monte au créneau, et qui met en pratique un des axes inscrits au diagnostic de son étude sur l’attractivité de Mayotte, menée en 2018. « Il faut une marque en adéquation avec nos valeurs », rapporte Saïd Bastoi, vice-président de l’ADIM, qui représentait le président Ben Issa Ousseni.
Car pour lancer l’étude, que des seconds couteaux à la tribune. Sidi Mohamed, élu départemental chargé de la coopération et des Affaires européennes, lisait le discours du président Soibahadine Ramadani, et Arnaud Benoît, SGAR adjoint, assis derrière un carton « Dominique Sorain », rapportait celui du préfet. Devant un hémicycle très clairsemé, pas de discours passionné de portée politique d’élus défendant le territoire pour en donner une vision positive, donc.
Pas facile dans ces conditions pour Marc Marynower, Universitaire et PDG de l’agence MMAP recrutée par le Département, de persuader que tous les acteurs du territoire devront définir puis s’approprier la marque Mayotte, les élus, le comité de tourisme, les entreprises, etc. Peu de leurs représentants, aucun maire en particulier.
Arrivées de « vrais touristes » non intoxiqués
Pourtant, l’intérêt de créer une marque à Mayotte va bien au-delà de ce que MMAP a pu réaliser pour l’Ile de France, Bordeaux ou l’Alsace. Tout d’abord, parce que « Mayotte évolue aussi avec sa diaspora essaimé en métropole comme à l’étranger, et dont il faut tenir compte quand on définira sa marque », mais aussi, parce que ce rôle « d’étendard » représentatif des forces vives de l’île, n’existe pratiquement pas à Mayotte.
Les habitants, élus ou simples quidams, qui parlent positivement de l’île à l’extérieur se comptent sur les doigts des deux mains. « Les médias ont aussi un rôle à jouer, nous soufflait en aparté l’ancien élu Issihaka Abdillah, il ne faut pas faire d’un fait-divers une montagne. Si on veut me faire venir à New York en ne me parlant que du Bronx, je vais être plus que réticent. Arrêtons de ne montrer que les bidonvilles ou le côté négatif de l’île. A force de nous dire qu’on est mauvais, on finit par le croire ! », concluait-il, en soulignant la communication a minima de Maurice lors de la crise de chikungunya, « ils ont perdu beaucoup moins de touristes qu’à La Réunion ».
Dans la même veine, un directeur d’hôtel sur un site touristique de Mayotte nous confiait avoir enregistré récemment des arrivées de touristes, « pas des affinitaires, mais de vrais touristes. Avec cette particularité qu’ils arrivent de l’Est de l’Europe, où on ne parle pas à longueur de temps de l’insécurité à Mayotte. Et ils repartent ravis. »
« Mayotte together »
Dans l’hémicycle, c’est Zaina Ibrahim qui créera l’engouement. Après son intervention à la Cité des Métiers vendredi pour inciter les jeunes boursiers à choisir des voies d’avenir, cette Mahoraise qui travaille depuis 11 ans en Angleterre, notamment chez SmartGurlz, a créé un réseau « Mayotte together », « Mayotte ensemble », « pour aider les jeunes mahorais à s’insérer et promouvoir les talents et la réussite. » Et communiquer vers cette diaspora mahoraise, « qui manque d’informations sur les opportunités d’emplois et de retours. »
S’il faut se garder de survendre le territoire, « il ne faut pas se transformer, mais se présenter », dira Marc Marynower, il faut déjà que l’image colle à la réalité. Mais quelle réalité ? Un tableau sombre, un riche lagon, ou un entre-deux ?
La synthèse proposée par Abdou Dahalani, président du Conseil économique et social, doit interpeler. « Nous avons besoin de nous identifier par rapport à notre évolution. Jusqu’à présent, c’était la fierté d’appartenir à la nation française. Là, on nous parle de dynamique économique qui engage notre capacité à se projeter. Nous devons nous demander pourquoi les jeunes qualifiés ne reviennent pas. Ils parlent de ‘dés pipés’, ou ‘d’appartenance à des réseaux’ pour décrocher un emploi ici. Nous devons analyser les raisons de départ des médecins et se demander quels seraient les leviers qui les feraient rester. »
En terme d’image, certains ont trouvé celle qui leur colle à la peau, « droit au but » pour Marseille, alors que pou Mayotte plusieurs viennent à l’esprit, reprenait l’élu, « l’île aux parfums », ou « Ra Hachiri »… Il va falloir trouver la bonne. Livraison de la marque-logo « d’ici la fin de l’année ».
Anne Perzo-Lafond
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