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jeudi 25 avril 2024
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Interview exclusive de la mission Sécurité civile sur les risques liés au volcan

Il a clos en beauté une année de questions sur l’origine des séismes qui ébranlaient l’île : ce volcan dont on a découvert les contours sous-marin, suscite maintenant des interrogations sur l’avenir. Quelles répercussions aura l’enfoncement de Mayotte de 13 cm dans la mer ces 12 derniers mois ? Doit-on se protéger ?

Le jour même de l’annonce de la naissance d’un volcan de 800m de haut, un communiqué interministériel faisait état d’une mission de sécurité civile dépêchée sur le territoire, « pour mettre en place de nouveaux dispositifs de préparation de la gestion de crise ». Il s’agissait de prendre en compte les risques potentiels pour la population, afin de l’y préparer. Elle est restée deux semaines à Mayotte. A la veille de leur départ, nous avons pu les rencontrer. Il a fallu batailler, ce ne fut pas facile, avec pour finir une timide autorisation teintée de désir de communiquer sans affoler.

La mission du ministère de l’Intérieur était à Mayotte du 17 au 31 mai, composée du lieutenant-colonel Jean Michel Audibert, membre de l’Etat Major de la formation militaire de la Sécurité civile, du lieutenant-colonel Philippe Blanc, Bureau de la planification des exercices, retours d’expérience, coordination du centre de crise Beauvau à la Direction générale de la Sécurité civile et de la gestion des crises, Stéphane Ritter, Délégation à l’information et à la communication, communication électronique du ministère, et William Gayout, Formation militaire de la sécurité civile.

JDM : Pour commencer, qu’est ce que la sécurité civile ?

Philippe Blanc : « C’est à la fois une notion de protection de la population contre les accidents et les catastrophes, et l’identification des acteurs agissant sur le territoire, tels que les sapeurs pompiers, les unités militaires, les moyens aériens, l’unité de déminage, et au delà, les associations reconnues comme acteurs de sécurité civile, comme la Croix Rouge. ‘La sécurité civile, c’est l’affaire de tous’, disait la loi du 13 août 2004, qui avait comme objectif d’aider la population à s’approprier la culture du risque, pour ensuite pouvoir adapter un minimum de mesure de protection. »

Votre mission a été annoncée par un communiqué interministériel, après la découverte du volcan. Qu’êtes-vous venus faire exactement à Mayotte ?

Remise à jour d’une cartographie du littoral par la DEAL

Jean-Michel Audibert : « Tout d’abord, c’est une action classique du ministère de l’Intérieur que d’envoyer des missions de ce type sur différents territoires. C’est d’ailleurs mon deuxième passage à Mayotte, après le mois de janvier 2018.
Mais là, il est vrai que nous arrivons dans un contexte particulier, avec un double volet de réponse de l’Etat à la naissance du volcan : une évaluation scientifique du phénomène qui n’est pas encore consolidé, et la mise en place d’une action pour conforter les acteurs dans leur réponse à ce type d’aléas. Notre rôle est de proposer un type de réponse encadré : d’abord l’information de la population, puis sa mise à l’abri en cas de besoin, et sa protection. C’est ce schéma que nous avons appliqué pour le cyclone Kenneth, et qui a très bien fonctionné, la population a parfaitement suivi, et a développé une forte solidarité. »

Philippe Blanc : « La difficulté ici, c’est que la population s’approprie l’aléas, la culture du risque. Elle existe en Martinique ou en Guadeloupe où les séismes sont beaucoup plus forts, mais était encore inconnue à Mayotte. Et votre île était plus préservée que d’autres sur les épisodes cycloniques majeurs. »

Mais aucun autre DOM ne connaît un risque de submersion marine comme nous le vivons actuellement ! La subsidence moyenne de Mayotte était de 0,19mm par an, or là, elle s’est enfoncée de 13 cm en un an du fait de la vidage de la chambre magmatique. C’est un bond de prés de 700 ans dans son enfoncement, a mis en évidence le géographe Saïd Saïd Hachim. Doit on s’attendre à voir la mer envahir les routes et les habitations ?

Jean-Michel Audibert et Philippe Blanc proposent un cadre habituel de réponse, en attendant les avancées sur la connaissance du phénomène

Philippe Blanc : « Le risque de submersion marine existait déjà à Mayotte, lors des fortes tempêtes. Mais avec ces derniers évènements, nous devons renforcer l’information préventive auprès de la population, et lui présenter ce risque pour qu’elle se protège, surtout à l’intention des habitants qui vivent au bord du rivage. Nous utilisons le même processus que pour Kenneth en cas de risque : information, mise à l’abri et protection.
Et nous allons reproduire pour le risque submersion le même mode de communication télévisuel de prévention que pour le cyclone, où Bacoco Saïd informait son petit fils, par le biais d’un dessin d’animation. Un travail est aussi mené avec le vice-rectorat, pour une approche pédagogique du phénomène.
Nous nous inspirons aussi des campagnes d’information menées en Guadeloupe et en Martinique, en aidant la population à identifier les risques, et en indiquant les précautions à prendre, comme le fait de s’éloigner vers les hauteurs. » »

Avez-vous prévu de revoir la cartographie de submersion marine établie en 1984 ?

Philippe Blanc : « Cela ne relève pas du ministère de l’Intérieur, mais de celui de l’Ecologie. Sur le territoire, c’est plus exactement de la compétence de la DEAL, qui a déjà établi une identification terrestre de l’île qui a débouché sur des Plans de Prévention des Risques naturels, intégrant quatre risques, le mouvements de terrain, l’inondation, le ruissellement et le risque sismique. Ce qui permet aux communes de gérer leur urbanisation en fonction des zones constructibles ou non.
Et plus récemment, la même démarche a été adoptée pour le risque littoral, en fonction de l’érosion et de la submersion marine, sur l’ensemble du pourtour côtier de Mayotte. Elle sera bouclée en 2020 pour les 17 communes.
Et surtout, des études complémentaires vont être menées par rapport au risque de submersion marine. »

L’eau à deux doigts d’entrer dans Mamoudzou lors des grandes marées de mai. Rendez-vous aux équinoxes de septembre…

Jean-Michel Audibert : « Des initiatives locales concrètes se mettent déjà en place. Le président de l’Association des Maires de Mayotte va initier une tournée d’informations dans chaque commune pour vulgariser ces phénomènes et les risques qui en découlent. Tout cela à partir de documents officiels. C’est important pour faire passer le message en intégrant les enjeux socio-culturels. Mais il faut aussi que les habitants aillent chercher l’information au bon endroit, par exemple sur le site de la préfecture, en puisant dans la Foire Aux Questions. Cette FAQ va d’ailleurs être actualisée ».

Stéphane Ritter : « Au sujet de la recherche d’une information correcte, je voudrais préciser que certaines photos ont circulé sur des réseaux sociaux, montrant la piste d’aéroport inondée. Elles ne sont pas actuelles, mais datent de 2012. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas réfléchir aux actions à mettre en œuvre quand cela arrive. »

Votre calendrier doit s’adapter à celui de l’évolution des découvertes scientifiques autour du volcan ?

Philippe Blanc : « Tout à fait. Nous prenons peu à peu connaissance du phénomène, mais les scientifiques ont encore beaucoup d’informations à aller chercher et à analyser. Ils doivent d’ailleurs lancer de nouvelles campagnes. Là, nous sommes obligés de nous en tenir à une démarche généraliste. »

Avez-vous mené des observations sur les fissures des bâtiments ?

Jean-Michel Audibert : « Ce n’était pas notre lettre de mission, nous n’avions pas d’audit de sécurité bâtimentaire à mener.
Je précise que des actions de formation des professionnels du bâtiment vont être engagées à Mayotte, menée par l’association française du génie parasismique. C’est prévu à très court terme. »

Y a-t-il un risque tsunami, à la suite d’un effondrement ou d’un éboulement à l’Est de l’île ? Où en est le plan « PREPARETOI* » ?

Jean-Michel Audibert : « Nous retombons sur le même problème qu’évoqué précédemment : tant que l’aspect scientifique n’est pas consolidé, nous ne pouvons pas mettre en place de scénario de modélisation. C’est aussi l’objectif des prochaines campagnes menées. »

Philippe Blanc : « Il y aura une réactualisation de l’origine du risque, car le tsunami de 2004 est trop lointain. Ensuite, il faudra commencer à travailler sur différents scenarios, en fonction des découvertes. Mais on peut déjà commencer à sensibiliser la population. »

Pour résumer, et au dernier jour de votre mission, quel est le principal risque à prendre en compte actuellement à Mayotte ?

Philippe Blanc : « Par rapport aux hypothèses scientifiques connues, c’est celui de submersion marine. Car, du côté du volcan, il ne devrait pas y avoir d’effets directs, il est trop loin. En matière de sismicité, les habitants savent maintenant comment s’adapter. »

Jean-Michel Audibert : « Un travail de surveillance est engagé, l’Etat met de gros moyens en investissant dans ces missions. Et la nôtre n’est pas ponctuelle, nous restons en permanence en appui de la préfecture. »

Nous resterons volontiers sur la conclusion du lieutenant-colonel Philippe Blanc pour l’occasion : « La sécurité civile ne cache rien, c’est l’affaire de tous. Plus une population est informée, mieux elle peut se protéger. »

Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond

* PREPARETOI, pour Prévention et Recherche Pour l’Atténuation du Risque Tsunami dans l’Océan Indien

Anne Perzohttps://lejournaldemayotte.yt
Anne PERZO Le journal de Mayotte https://lejournaldemayotte.yt

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