« Vous êtes ici depuis combien de temps ? », s’enquiert Annick Girardin auprès d’une femme assise sur un tapis, et au milieu de cris des bébés. « Depuis 4 heures du matin, et je suis venue pour vous madame la ministre », répond-elle dans un français impeccable, devant la ministre sidérée. Qui finira par lui lancer, « vous avez gardé votre humour en tout cas ! », après avoir compris que la patiente avait bel et bien rendez-vous avec un médecin. Femmes enceintes et bébés attendent patiemment dans ce service de Protection Maternelle et infantile de Kawéni, une des PMI du conseil départemental aidé depuis peu par l’Etat.
Il y a deux ans, l’Etat prenait la décision d’accompagner le département sur l’action sociale, avec compensation rétroactive, puis ce fut le tour des déshéritées PMI. A l’unisson de Issa Issa Abdou, 4ème vice-président du conseil départemental chargé du social et de la Santé, pour la ministre, le compte n’y est toujours pas : « Il fallait rattraper le retard, mais il faut aller plus loin. » Premier acte, l’abondement du budget du Fonds de Développement Social du Département (FDS), la mesure 17 du plan d’avenir pour Mayotte, dans un contexte de population vivant dans une situation précaire, et de prestations sociales partielles, puisque RSA, primes d’activités ou allocations familiales, sont pour moitié du montant national.
Le FDS se met peu à peu en place, et permet notamment d’accompagner des foyers sur le paiement de leur facture d’eau ou d’électricité. Il sera réévalué à 10 millions d’euros, cofinancé à part égale entre le Département et l’Etat à travers un protocole signé ce mardi. « C’est un signal fort de reconnaissance que le conseil départemental a bien investi son rôle de chef de file de l’action sociale », analyse Issa Abdou qui signait en lieu et place du président Soibahadine Ibrahim Ramadani, « il va beaucoup mieux », et dont il rappelait les propos lors du Grand débat à l’Elysée, « il s’interrogeait sur une accélération de la convergence des droits. »
« Nous bossons mieux ensemble »
Un sujet que la ministre ne prenait pas à la légère, puisque, après avoir rappelé que si la date de 2036 avait été retenue, « c’est en raison de la nécessité d’étaler les charges en les montant progressivement, qu’elles soient patronales ou salariales. » Mais un échéancier qui pourrait bien s’accélérer, « nous travaillons avec le sénateur Thani Mohamed Soilihi et la députée Ramlati Ali qui ont fait remarquer que la convergence des cotisations était plus rapide que celles des droits. Si cela se vérifie, nous accélérerons. »
Un langage qui a évolué en peu d’années dans la reconnaissance des droits, « si nous nous félicitions de cette montée en puissance, rien n’est encore à niveau, car nous partons de très très loin », et Annick Girardin l’expliquait notamment par une forte coopération Etat-Département, « nous bossons mieux ensemble. »
La ministre comme le conseiller départemental félicitaient chacun à leur tour le sous-préfet à la Cohésion sociale Dominique Fossat, qui quitte le territoire cette semaine, « il a donné tout ce qu’il pouvait donner à Mayotte », soulignait la première, quant au second, il regrettait le départ de son « alter ego » à la préfecture.
Communiquer différemment
Quatre nouveaux dispositifs ont été mis en place par le conseil départemental, et présentés à la ministre, dont les deux premiers sont accompagnés par la Direction du Travail. Le Guide médico social, « annuaire listant les institutions et les acteurs privés œuvrant dans ce domaine », qui prend en compte le Pacte Territorial pour l’Insertion, un domaine de faiblesse du département, « nous ne bossions pas assez sur l’insertion » avouait Issa Abdou face au sourire consentant de la ministre. Qui appelait à communiquer de manière plus concrète, « nous ne parlons que de ‘plans’, de ‘stratégie’, ou de ‘convention’, mais cela ne veut rien dire pour la population. Parlons d’actions plutôt ! »
IL en sera question avec le Centre communal d’action social (CCAS) de Sada qui en quelques années a développé plusieurs axes de prise en charge, en matière d’accès aux droits, d’accès aux soins, d’implantation de Jeunes ambassadeurs Santé, et de chantiers d’insertion qui leur a valu une double récompense : la signature d’une convention de 3 ans avec la Dieccte, et le Trophée initiative FSE pour leur Pass’Palas.
Ali Nizary, président de l’Union départementale des Associations familiales, faisait un point sur l’espace intergénérationnel, et était interpellé par la ministre sur la forte hausse des violences intrafamiliales, « cela doit interpeller l’UDAF ». Enfin, l’Association des déficients sensoriels, soutenue par l’ARS, éveillait les consciences sur la prise en charge du handicap. Et on en revenait au plan d’avenir pour Mayotte, « la prise en compte d’un taux de handicap supérieur à 90% est une des mesures inscrites. »
Anne Perzo-Lafond
Comments are closed.