« Faute de stratégie de développement sur le territoire, nous nous retrouvons avec une concentration des activités à l’est. Il faut rééquilibrer les pôles de développement », le constat est posé par Ismaël Zoubert, Chargé de mission auprès du DGA Pôle de Développement économique, Attractivité du territoire et Formation, au conseil départemental. Une concentration synonyme d’hyper densité des voitures sur les routes, et de réveils de plus en plus matinaux.
Depuis 2011 et la départementalisation, le PADD, Plan d’Aménagement et de Développement Durable adopté en 2009, qui n’est resté qu’un document non décliné, n’est plus en vigueur à Mayotte. C’est le Schéma d’Aménagement régional qui prime sur tout autre document nous a-t-on vanté depuis plusieurs années… sans qu’aucun ne soit rédigé. « Il fallait une volonté politique de rassembler tous les acteurs, alors que jusqu’à présent les documents restaient en interne, au sein d’une seule direction, souligne Nomani Ousseni, conseiller départemental de Sada, membre de la commission Aménagement, et également de la commission Finances. Il a donc reçu carte blanche du président Soibahadine pour mettre en place ce Schéma.
Des partenaires musclés
Ce n’est pas qu’une pioche stratégique dans l’opposition de la part de Soibahadine, tous les acteurs du dossier voient en Nomani Ousseni un aménageur né. Mais cette volonté politique affichée sera-t-elle suffisante cette fois ? « Oui, assure ce dernier, car non seulement nous associions tous les services de la collectivité, mais nous travaillons aussi avec la DEAL, l’Etablissement public foncier et d’aménagement, et un agent de la Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages, du ministère de la Cohésion du territoire nous accompagne. » En outre, les cofinanceurs s’appellent Agence Française de Développement et Caisse des Dépôts.
Le tableau est complet avec le groupement d’étude sollicité par le conseil départemental, SCE Ateliers up+. Ce dernier a déjà œuvré à Bordeaux, Sète, Toulouse ou Montpellier, sur des quartiers, mais aussi sur l’ensemble d’un territoire comme en Corse », précise Sébastien Ramora, le responsable de l’agence. Il est venu avec Laurence Boumati, architecte, et Thomas Campardou, qui assure la communication.
Sur la partie Département, Saïd Saïd Hachim, administrateur du système d’information géographique, numérisera le SAR et le partagera à travers les plateformes collaboratives.
Mouvement concentrique de l’extérieur vers les terres
Il fallait un point de départ, « ce sera le port, dans l’optique de l’ouverture de ‘Mayotte au monde’, source de création de richesse et d’emploi », nom du premier atelier qui se tiendra ce jeudi à Longoni, et qui doit dégrossir les principaux axes de travail. En parallèle, il faut anticiper sur la croissance de la population, “et non plus la subir. Nous estimons 500.000 habitants à l’horizon 2050”, rapporte Sébastien Ramora.
« Ensuite, nous nous demanderons comment l’ensemble des acteurs du territoire peut contribuer au développement de l’île ». Et ce sera le 2ème atelier à Coconi. Des carnets synthétiseront ces échanges et restituera les axes de projet qui auront émergés en séance. Et peu à peu, une carte figeant les zones géographiques sur lesquelles développer tel ou tel secteur, agriculture, tourisme, etc., va se dessiner. « Il s’agit de développer le territoire en préservant les espèces sensibles. »
« Pour formaliser tout ça, nous avons commandé une carte de Mayotte, de 5 mètres par 2, en 3D, qui va voyager autour de l’île avec un chapiteau itinérant », annonce Laurence Boumati.
Au niveau de l’agenda, c’est ric-rac. Nous sommes bientôt à la moitié de l’année 2019, et tout doit être bouclé avant les élections départementales et régionales (ex-cantonales) de 2021. Bien avant même. « Nous devons en effet mener les ateliers en 2019, pour qu’en janvier 2020, le SAR soit adopté par le conseil départemental puis reçoive l’autorisation du préfet. Nous devons ensuite le mettre à disposition du public, avant que soient menés les échanges entre les ministères. Ensuite, il revient au CD pour approbation par le conseil d’Etat. Nous étions partis pour que cela soit approuvé en 2021, mais ce serait le livrer en l’état à une nouvelle équipe au Département. Il faut que nous ayons le temps de commencer à le décliner. »
Il vaut mieux tard que jamais, dit l’adage, la stratégie de développement du territoire est donc dans les mains de l’élu et des acteurs cités, pour que l’horizon du « Mayotte de demain », « Maore messo », qu’est le SAR, ne soit pas sans cesse repoussé.
Anne Perzo-Lafond