Journée d’audiences pour le président Mouhamadi Bavi SIEAM, ce lundi. En fin de matinée, les salariés grévistes CFDT de la SMAE et de Sogea (deux filiales de Vinci) étaient accueillis par le président Bavi. Une délégation menée par Balahachi Ousseni, secrétaire départemental CFDT : « Nous souhaitons qu’il serve d’intermédiaire auprès de la direction de la SMAE », une direction présente au Sieam ce lundi. Il s’agit des revendications dont nous nous étions fait l’écho : le respect de la direction envers ses salariés, une hausse de salaires de 250 euros, et non de 20 euros en moyenne proposée par la direction, la prise en compte de l’ancienneté dans l’élaboration de la grille salariale, etc.
Mais le président avait commencé sa journée avec le CODIM, qui s’est installé sur les marches du Syndicat intercommunal en demandant à le rencontrer. « Nous exigeons une baisse des prix de l’eau et que le Sieam récupère la gestion de la distribution de l’eau potable sur la partie compteur ». Pas trop douloureux à entendre pour Bavi, puisque c’est un de ses objectifs déclinés au salariés de la SMAE la semaine dernière. Une revendication qui puise sa source dans les bénéfices de la SMAE/Vinci, affichés par le cabinet COGITE mandaté par le président Bavi, qui se monteraient à 18 millions d’euros sur la période de la Délégation de Service Public (DSP) jusqu’en 2022. Alors que le contrat de départ serait basé sur un plafond de 300.000 euros, toujours selon COGITE. D’où la volonté de Bavi et du CODIM réunis de casser cette DSP.
« Je compte appliquer la loi ! »
Le président avait d’ailleurs ensuite rendez-vous à 14 heures en préfecture pour aborder cette question, « si nous n’avons pas de réponse à 16 heures, nous entamons un sitting devant le Sieam ! », prévenait le CODIM.
Une réunion qui fut brève, « elle a duré 5 minutes », nous rapportait Mohamadi Bavi : « Nous avons proposé un protocole de sortie de crise à la SMAE. Nous demandions de reprendre la compétence branchement, car nous estimons les compteurs trop chers, ainsi qu’une baisse du prix de l’eau, et surtout un partage des 18 millions de bénéfices dégagés, à parts égales, 9 millions chacun. Mais ils ont refusé en bloc, nous sommes partis. »
La suite ? « Et bien je compte appliquer la loi, je vais casser la DSP ! C’est la décision du comité syndical du Sieam du 25 janvier dernier, les délégués communaux m’ont donné mandant pour cette résiliation Nous allons l’annoncer, et lancer un nouvel appel d’offre dans la semaine. » La décision du comité syndical donnant mandat au président Bavi pour résilier la DSP, a été attaquée en justice par certains maires, dont celle de Chirongui, car des procédures n’auraient pas été respectées. Roukia Lahadji s’explique dans un courrier au président intitulé ” Renégociation du contrat d’affermage”
La Chambre régionale des comptes saisie
En jeu donc, deux choix : une rupture ou une renégociation de la DSP, dont le délégataire Vinci a constamment refusé les avenants ces dernières années. Mais en cas de résiliation anticipée, il faut chiffrer le préjudice. On connaît désormais le refrain d’une rengaine commencée avec la DSP du port de Longoni : personne ne veut généralement aligner un gros chèque à destination du délégataire. Il se monterait entre 20 à 30 millions d’euros, selon une première estimation.
Les éléments qui font chuter les millions sont les arguments de respect ou non, des clauses de la DSP. Vinci a-t-il réalisé l’exploitation correspondant aux termes de la DSP ?, par exemple. Mais de son côté, le Syndicat des Eaux a vu sa gestion dispendieuse et détériorée, pointée par la Chambre régionale des Comptes, avec des manquements qui pourraient également lui couter cher. De même, a-t-il entretenu les réseaux comme le lui demandait la DSP? “Le budget primitif 2019 a été voté en déséquilibre avec un déficit de 13,5 millions”, souligne la maire de Chirongui, dans son courrier au président Bavi.
Le chiffre de 18 millions d’euros de bénéfices est aussi à prendre avec circonspection. Estimé sur les 15 ans du contrat, il sera vraisemblablement revu à la baisse selon nos informations, en raison de deux années d’exercice de la SMAE déficitaires en raison de la crise de l’eau et de la crise sociale. La Chambre régionale des comptes se serait saisie du dossier, pour produire un chiffrage d’ici le mois de juin.
Une bataille d’avocats va s’engager, qui ne doit pas faire oublier une autre question : qui sera susceptible de postuler au nouvel appel d’offre ? En gros, à qui profiterait cette rupture ? Et quelle garantie qu’une fois son chèque encaissé, la société Vinci ne postulera pas, avec la possibilité d’être choisie si les concurrents présents ne font pas l’affaire ? Elle aurait eu le beurre, l’argent du beurre, et la crémière.
Anne Perzo-Lafond
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