Selon l’Observatoire des prix de Familles rurales, le panier moyen à Mayotte coûte 73% plus cher que la moyenne nationale pour les consommateurs, ce que ne manquait pas de rappeler le préfet Dominique Sorain, « la vie est plus chère ici ». C’est ce qu’essayait d’atténuer la loi Lurel, adopté le 26 décembre 2012, en créant le fameux BQP, le Bouclier Qualité Prix sur l’ensemble des outre-mer.
Contrairement à l’échantillon retenu par Familles rurales, il a l’avantage de coller à la réalité des territoires ultramarins, en y privilégiant par exemple le riz, le poulet ou le lait coco, aliments qui y sont très prisés. On y trouve aussi des produits d’hygiène. Chaque année, la liste est remise à jour, avec un montant plafond à ne pas dépasser sur une liste type de produits. Elle fait l’objet de négociations, parfois intenses, entre les services du SGAR de la préfecture, et la grande distribution. En l’occurrence, le groupe Sodifram, Bourbon distribution Mayotte et Somaco. Pour la première fois à Mayotte, une association de consommateurs était associée aux négociations, la CFDT consommateurs. Auparavant, elles n’étaient invitées qu’après rédaction de la liste.
C’est une nouvelle équipe préfectorale qui présentait le nouveau panier du Bouclier Qualité Prix, composé de 77 produits, notamment Yves-Marie Renaud, SGAR, Secrétaire Général aux Affaires régionales, qui, comme son intitulé ne le dit pas, gère les dossiers économiques : « Après deux rencontres avec la grande distribution, nous avons obtenu une baisse de 8% sur ce panier, avec un montant global de 193 euros contre 210 euros précédemment. » Des produits jugés peu bénéfiques pour la santé ont été retirés, comme les glaces à l’eau, le ‘capa’ de bœuf, « trop gras », et les frites surgelées. L’ensemble des prix des trois articles varie de 12 à 16 euros en fonction des supermarchés. Pour intégrer des petits légumes ratatouille, et du poisson frais ou congelé. Dont nous n’avons pas encore les prix.
“Croissance à deux chiffres des charges du port »
Surtout, le dispositif a été « redynamisé », selon le terme du SGAR, pour « améliorer l’offre » et « tenir compte de la disponibilité des produits ». Et aussi, en intégrant aux débats une association de consommateurs, celle de la CFDT, « qui ira assurer le contrôle dans les rayons avec la Dieccte. »
Balahache Ousseni, secrétaire départemental de la CFDT, a donc participé aux échanges avec son association ASSECO, « ce n’était pas facile, les distributeurs défendant leur intérêt », nous glisse-t-il. Il demandait à ces derniers d’assurer la pérennité de l’approvisionnement, le syndicaliste tentant même un trait d’humour, « on comprend malgré tout que dans certains cas, comme des manif, il puisse y avoir rupture. »
L’approvisionnement justement, fait l’objet d’une demande de Serge Dolinsky, Sodifram : « Pour expliquer la cherté des prix, il faut aussi se tourner vers les autres acteurs, compagnies maritimes, port. Nous avons dénoncé ces charges croissantes d’une année sur l’autre, avec des pourcentages à deux chiffres, et nous, on nous demande de revoir nos virgules ! » Il appelait la préfecture à « un contrôle des règles de tarification ».
Les transitaires et transporteurs seront associés, répondait Yves-Marie Renaud, « nous avons prévu de les rencontrer cette année. » Dominique Sorain rajoutait que ces difficultés n’étaient « pas propre à Mayotte », « c’est d’ailleurs une préconisation du ministère des outre-mer que de travailler sur ces frais. »
Naviguer entre les enseignes
La difficulté supplémentaire à Mayotte, c’est la quasi-impossibilité de se passer de produits importés pour faire baisser les prix en consommant local, « nous avons un petit espoir avec la filière œufs. Mais nous ne sommes pas encore prêts en fruits et légumes, c’est d’ailleurs un défi de beaucoup d’outre-mer. »
Avec des prix contraints sur un panel de 77 produits, on peut craindre un rattrapage de marge sur d’autres denrées, « il n’en est rien », jurent les distributeurs comme un seul homme, « c’est une démarche volontaire ». L’équipe préfectorale félicitait d’ailleurs la grande distribution pour « sa coopération ».
Le panier « Santé » est toujours d’actualité, il cible les produits de la liste qui sont à privilégier, foie de bœuf, carottes, yaourts ou lentilles. Il se monte à 63 euros.
Comme le Petit Poucet, le consommateur n’a donc qu’à se repérer aux étiquettes « Bouclier Qualité Prix » dans les rayons, avec en repère, la liste des produits affichée à l’entrée du magasin. Si l’addition se monte bien à 193 euros dans tous les supermarchés, les produits ne sont pas au même prix. Ainsi la boite de un quart de thon Albacore peut varier de 1,90 euros à 2,40 euros. On peut donc, en naviguant entre les supermarchés, faire baisser encore plus l’addition !
Donc, si vous voulez faire votre liste de courses à la maison, il suffit d’aller sur le site de la préfecture où chaque mois s’affiche la liste des prix des produits par enseigne. A vos calepins !
Anne Perzo-Lafond