« Je vois les difficultés de mettre en place des financements simples ici à Mayotte », ne pouvait que constater Lionel Montocchio, Directeur de la Direction de la Sécurité de l’Aviation Civile Océan Indien.
En effet après avoir figurée dans un premier programme opérationnel (PO) européen, la ligne de financement allouée à la sécurisation de la piste de Dzaoudzi, avait mystérieusement disparu, s’était étonné le préfet de l’époque Frédéric Veau. Grâce au service du SGAR de la préfecture, il a pu être réintégré sur un PO ouvert à cette intention. Ce sont 3 millions d’euros de fonds européen qui ont pu être abondés.
La sécurisation de la piste est une contrainte de la réglementation européenne, « qui demandait que des bandes soient libérées à chaque bout de piste pour freiner la couse d’un appareil », rappelait Gérard Mayer, directeur délégué d’EDEIS, gestionnaire de l’aéroport. Mais libérer deux fois 90 mètres de piste, c’en était trop pour les petits 1.930 mètres de Mayotte. Après s’être creusé les méninges, une astuce était trouvée, « celle d’installer de chaque côté des lits d’arrêt », des EMAS, pour Engeneered Material Arresting System (prononcer imas), des bandes au revêtement mou qui doivent absorber l’énergie de l’aéronef, comme pour les poids lourds sur les autoroutes.
« Sauf qu’ils ne doivent pas abîmer les pneus des avions, « nous explique Stéphane Lombardin, Maître d’œuvre coordinateur de travaux chez Dardel Ingénierie, qui nous en explique le principe : « Le revêtement appelé ‘foam glass’ est en mousse de verre expansé. Ce sont des billes de verre en sous-couche. » Un brevet que détient la société suédoise Runway Safe, qui était également représentée ce mercredi soir.
« La piste longue, d’autres en parleront ! »
Les discours se succédaient sur la terrasse de l’aéroport, « pour inaugurer une infrastructure dont on espère qu’elle ne servira jamais », plaisantait Gérard Mayer. Qui ne comptait pas pratiquer la langue de bois, c’est sa marque de fabrique. Il attaquait en prétendant ne pas vouloir parler de la piste longue, « d’autres en parleront mieux », un clin d’œil à la venue du président Macron en juin, très attendu sur ce sujet. Surtout que selon nos informations, le rapport de la commission dépêchée dans le cadre du Plan avenir de Mayotte, n’y serait pas hostile, au contraire.
Il revenait notamment sur le plan de financement des EMAS, qu’il avait annoncé un an auparavant. Nous avions dénoncé l’annonce erronée du président Macron devant les élus d’outre mer à l’Élysée, mal conseillé, puisqu’il avait avancé que l’État français participait à hauteur de 14 millions d’euros pour l’aéroport de Mayotte. En réalité l’État ne participe qu’à hauteur de 500.000 €, même montant pour le conseil départemental, les fonds européens abondent pour 3 millions d’euros, et EDEIS complète avec un investissement de 9 millions d’euros pour moitié de prêt AFD, pour moitié de prêt Crédit Agricole. « Nous le répercuterons en redevances aéroportuaires, payées par les compagnies aériennes, qui répercuteront à leur tour sur le billet. Ce sera donc payé par les passagers. » Avec un impact minime, puisque selon nos renseignements, l’impact pourrait être de 2 euros par billet.
« Mayotte reçoit trop peu d’aides publiques »
La valse à deux temps de l’inscription aux fonds européens n’ayant pas permis de se doter de cette sécurisation avant la date buttoir du 31 décembre 2017, une dérogation d’un an était obtenue de l’Europe. Après une réception partielle le 28 décembre 2018, les EMAS était inaugurées ce mercredi 27 février, avec presque tous les financeurs puisque manquait à l’appel le conseil départemental.
En l’absence du préfet Dominique Sorain, c’est le SGAR Yves-Marie Renaud qui représentait la préfecture pour ce dossier économique et stratégique. Avec le langage de vérité auquel nous habitue cette équipe préfectorale : « Mayotte reçoit trop peu d’aides publiques pour ce genre d’infrastructures, il faut y remédier. » Une vague porteuse donc qui se nomme aussi Plan avenir de Mayotte, « nous allons bientôt communiquer l’étude remise en interne par la délégation », et fonds européens, « nous devons tenir compte de ce sous-investissement ici latent. »
Bonne nouvelle qui va peut-être enfin positionner Mayotte sur ce secteur : une filière aéronautique est lancée cette année “sur la France de l’océan Indien”, rapporte Lionel Montocchio, “pour permettre des formation et une employabilité, et sans doute faciliter l’accès aux financements”. Il faudra veiller à le décliner à Mayotte.
Un bus a ensuite amené les cofinanceurs que nous sommes donc, pour découvrir les EMAS qui à chaque extrémité, espèrent ne jamais accueillir de sortie de piste. Juste après, c’est le lagon…
Anne Perzo-Lafond