Pour la ministre Annick Girardin, si des députés comme Mansour Kamardine pour Mayotte, ou Ericka Bareigts, également ex-ministre des outre-mer, se sont insurgés d’une diminution des crédits vers plusieurs DOM, c’est que « certains ne sont pas répartis entre les territoires », et qu’ils seront « ventilés » en fonction de l’application des réformes les concernant.
Le JDM : Pourquoi le Document de Politique Transversale qui détaille les dépenses de l’Etat en Outre-mer est-il paru en cours de séance de vote du budget ? Est-ce en raison de la baisse des dépenses dans la plupart des outre-mer et des critiques que cela allait susciter ?
Annick Girardin : “Le dossier de politique transversale est une annexe à la loi de finance qui regroupe près de 90 politiques publiques différentes. C’est un document complexe qui mobilise l’ensemble des ministères et qui nécessite des mois de travaux. Cette année, je reconnais que le document a été diffusé tardivement, cela est difficilement acceptable pour les parlementaires et les citoyens.
Nous allons essayer d’améliorer le travail interministériel pour que l’an prochain, ce document puisse être diffusé en amont de l’examen des crédits. Il n’y a aucune volonté de cacher quoique ce soit, d’autant que les crédits sont en hausse !”
Pourquoi une baisse de 988 M€, dont La Réunion, Martinique, Guadeloupe, Guyane ? Contre une hausse de 75M€ dans d’autres territoires, dont 30M€ à Mayotte.
Annick Girardin : Il n’y a aucune baisse des crédits prévus en 2019 pour les territoires d’outre-mer, ils sont même en hausse de 1,5%.
Le DPT présente une partie de l’effort spécifique fait par l’Etat et donc par l’ensemble des ministères en faveur des outre-mer. C’est une annexe informative, complexe par nature, qui regroupe les crédits de près de 90 politiques publiques. La baisse évoquée par certains repose sur une lecture approximative de ce document.
Cette année, la présentation du DPT par territoire est différente parce que des réformes sont en cours. De ce fait, un certain nombre de crédits ne sont pas répartis entre territoires, notamment les exonérations de charge et le fonds exceptionnel d’investissement, mais ils existent et seront dépensés.
Mayotte est moins concernée par cette nouvelle présentation, car la réforme des exonérations de charge ne s’y applique pas.”
Pourquoi ne pas avoir affecté davantage aux territoires alors que ces “crédits non répartis” de l’Etat se montent à 1,8 milliard d’euros, dont 1,6 milliard serait en provenance du budget OM ?
Annick Girardin : “Comme je l’ai expliqué, les crédits « non répartis » sont bien affectés aux territoires ! Simplement il est difficile de connaître leur ventilation exacte à ce stade.”
Pour Mayotte, les 30 millions d’euros supplémentaires correspondent-ils au cinquième de 1,3 milliard d’euros du Plan Avenir pour Mayotte sur le quinquennat ? Quels sont les axes qui en bénéficient ?
Annick Girardin : “Le plan Mayotte est un engagement fort, son application est très suivie au plan local et au plan national. Pour le mettre en œuvre efficacement, Mayotte bénéficie d’une hausse des crédits de 3,2 % entre 2018 et 2019.
Plusieurs secteurs en particulier vont bénéficier d’une hausse : c’est le cas du travail (+24 millions d’euros), de l’écologie (+7 millions d’euros), de l’enseignement scolaire (+5 millions d’euros), de la justice (+4 millions d’euros) ou de la sécurité (+3 millions d’euros).
Depuis 2015, ce territoire bénéficie par ailleurs d’une hausse de 65 % des crédits.
Dans une volonté de transparence totale et afin que chaque citoyen qui le souhaite puisse vérifier les engagements tenus du plan Mayotte, le site spécifique “Transparence Outremer-mayotte” a été mis en ligne en octobre 2018.”
Pouvez-vous me confirmer qu’en intégrant les “crédits non répartis”, les dépenses de l’Etat en OM s’accroissent de 580 millions d’euros en 2018 pour passer à 18,4 milliards d’euros ? Dans ce cas, les économies réalisées avec la TVA NPR, le CICE, le coup de rabot sur l’abattement, et la suppression des dispositifs fiscaux logement social, qui se montent à 606 millions d’euros, aboutissent à une baisse des dépenses de l’Etat en OM de 26M€. Il n’y a donc pas plus d’efforts de l’Etat en OM ?
Annick Girardin : “Entre 2018 et 2019, l’effort de l’État pour les outre-mer passe de 17,9 milliards d’euros à 18,7 milliards d’euros. Cela représente non pas une hausse de 580 mais 740 millions d’euros, soit plus de 4% d’augmentation. Sur ces 740 M€ supplémentaires, 466 M€ correspondent en réalité aux réformes qui ont affecté cette année le budget des outre-mer.
Comme je l’ai dit, la hausse des crédits non répartis est liée aux réformes engagées et il est complexe de connaître à l’avance la répartition de certaines dépenses par territoire. Mais l’Etat accompagne plus que jamais les territoires d’outre-mer.”
Dernière question sur la baisse du plafond de l’abattement fiscal de 40%. Nous craignons qu’à Mayotte, elle n’aboutisse à la fuite des médecins et cadres de hauts niveaux qui font tellement défaut. Qu’en pensez-vous ? Peut-il y avoir une dérogation pour notre territoire, ainsi que ceux qui connaissent une pénurie similaire ?
Annick Girardin : « Améliorer l’attractivité de nos territoires nécessite des dispositifs financiers adéquats. Ils existent à Mayotte, notamment pour les médecins. Nous les avons même assoupli cette année, et cela était attendu, pour que certaines primes versées aux médecins hospitaliers, telle que l’indemnité particulière d’exercice (IPE), soient moins rigides dans leur application et donc plus attractives.
Dans le cadre du livre bleu, nous avons également annoncé la création de 100 postes d’assistants spécialistes à temps partagé devant avoir une part d’exercice en outre-mer. Cette mesure doit renforcer l’offre locale en médecins dans un objectif de réduction des inégalités territoriales. 30 postes sont réservés pour Mayotte.
Mais l’attractivité d’un territoire, encore plus pour un territoire comme Mayotte, qui a connu ces dernières années de nombreuses crises sociales, ne passe pas que par des dispositifs financiers ! Le développement économique est la pierre angulaire de l’attractivité. Et c’est en développant le territoire, les infrastructures, le tourisme, l’économie, que nous rendrons davantage attractive Mayotte. C’est ce que j’ai porté dans le plan Mayotte présenté au mois de mai dernier. »
Son ministère a publié ce lundi une notice explicative du DPT. Lire Budget 2019 OM Document de Politique Transversale_DPT.
Propos recueillis par Anne Perzo-Lafond
Pour le journaldemayotte.yt
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