C’est surtout une séance de questions-réponses qui a tenu lieu de conférence de presse, tant les interrogations de la population sont importantes. Le préfet Dominique Sorain rappelait le contexte de gestion de crise depuis le 10 mai : « Jusqu’à présent, nous avons tenté de répondre au mieux aux préoccupation, tout en mettant les militaires en alerte en cas de catastrophe, et en rappelant quotidiennement les consignes de sécurité ».
Trois membres composent la mission, Mendy Bengoubou, sismologue à la Direction générale Risque et Prévention, le lieutenant-colonel Olivier Galichet, DGSCGS, et Bastien Colas, Ingénieur du Bureau de Recherches Géologiques et Minière (BRGM), ce dernier ayant eu à répondre à un feu nourri de question de la part des journalistes présents.
Quelle est l’origine de ces séismes ?
Bastien Colas : « Elle est tectonique (lié à l’écorce terrestre, ndlr). C’est à dire qu’il y a des ruptures le long des plans de failles souterraines, à 60km au nord-est de Mayotte. On arrive à qualifier leur orientation. Alors, pourquoi à cet endroit là ? C’est à l’est du Rift de l’Afrique de l’Est, à l’interface entre les plaques orientées Nord-sud, mais qui peuvent provoquer en bougeant, des rejets horizontaux est-ouest. »
Donc, on peut écarter l’origine magmatique, volcanique ?
Bastien Colas : « Il peut y avoir une conjonction des deux phénomènes, tectonique et volcanique. Il n’y a pas de lien entre les essaims et un volcan, mais on ne peut pas encore dissocier les deux.
Les épicentres sont concentrés sur une même zone, mais il est difficile de savoir s’il y a migration dans un sens. Il nous semble qu’il y a un éloignement, mais c’est très léger. »
Que faudrait-il pour améliorer ces connaissances ? Aller sur place ?
Bastien Colas : « Aller sur place pour voir quoi ?! Les moyens d’observation nous permettent de cerner les causes, mais ils sont en nombre et en qualité insuffisants. Et surtout, concentré à l’ouest de la zone, puisque nous en avons 3 sur Mayotte, un au Kenya, 3 depuis avant-hier relayés depuis l’observatoire du Kartala, et un seul à Madagascar, donc à l’est de l’épicentre, qui enregistre les données en continu. Avec ces 7 capteurs, nous ne fermons pas assez la zone, donc nous sommes là pour étudier l’opportunité d’en poser d’autres, des géophones à terre, et surtout des hydrophones en mer. Ces derniers permettent d’enregistrer une troisième onde, la T*, qui se rajoute à la Primaire (P) et la secondaire (S) des capteurs à terre. Cette onde T enregistre les écoulements en profondeur .
Enfin, je voudrais annoncer que le BRGM va installer le 18 juin en Grande Terre un sismomètre Large Bande, la Ferrari des capteurs ! »
Sait-on quand tout cela va se terminer ?
Bastien Colas : « Historiquement, cela peut durer de 15 jours à plusieurs mois, voire années. Mais il n’y a pas de raison que ça dure. Il faut se dire que Mayotte est classée en sismicité 3, et que les séismes que nous enregistrons correspondent à ce classement ».
Mais doit-on craindre un gros séisme ?
Bastien Colas : « Quand on regarde la magnitude depuis le début du phénomène, on voit que les moyennes sont autour de 4.5. Plus on descend en magnitude, plus on a de séismes, alors qu’on en a eu un seul gros, à 5.8. Jamais dans cette région nous n’avons observé de séisme supérieur à 6, qui serait lié à une faille plus longue. Nous pouvons dire sans nous tromper que nous n’aurons pas de magnitude 7 ou 8. »
Mendy Bengoubou : « L’aléa sismique existe, il faut préparer la population à vivre avec son territoire qui se situe en zone sismique. D’ailleurs, le niveau des dégâts observés n’est que de 1 sur une échelle de 5, cela correspond bien au classement de Mayotte en zone sismique de 3, et aux magnitudes que l’on observe. Je rappelle néanmoins qu’en cas de séisme, quand on est en étage, il faut se réfugier sous une table ou un encadrement de porte, et si on est au rez-de-chaussée, on peut sortir. »
Il y a un scénario qui évoque un possible effondrement de partie de la roche sur le tombant est de Petite Terre. Est-ce vraisemblable ?
Bastien Colas : « Nous voyons dans cette zone de volcanisme récent, des traces anciennes de glissement de terrain, comme autour de n’importe quel volcan. Mais qu’un séisme provoque un glissement de terrain sous-marin induisant un tsunami n’est pas un scénario qui nous inquiète. En plus, les falaises de Petite Terre sont loin de la zone d’épicentre. Je tiens d’ailleurs à préciser que les secousses ne sont pas de taille à provoquer un glissement de terrain à Mayotte. Donc, à Majicavo Koropa, c’est à l’épisode pluvieux qu’il faut imputer la chute d’un rocher. »
Donc Mayotte est bien en zone sismique, mais les secousses ne sont pas de nature à inquiéter les scientifiques qui vont rester quelques jours sur l’île, et faire ensuite les remontées qui s’imposent. Ils vont notamment inspecter les bâtiments, et étudier l’envoi de moyens si nécessaire.
Anne Perzo-Lafond
Lejournaldemayotte.com
* Ondes acoustiques générées par les séismes sous-marins
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