Tout d’abord, étant donné sa transition institutionnelle récente, le département de Mayotte est dans une situation unique, met en évidence le rapport de Kevin Cariou, directeur adjoint de l’AFD. Les collectivités se sont affranchies de l’Etat, sans être plus autonomes.
En effet, jusqu’en 2014, l’Etat pourvoyait à l’intégralité des recettes de fonctionnement des communes. En 2015, ses dotations ne comptent plus que pour 55%, complétées par l’octroi de mer (26%, part qui va aller crescendo), et la fiscalité directe (19%). De nouvelles ressources qui font grimper leurs recettes de plus de 30%, mais juste suffisamment pour que certaines sortent du rouge.
Car, la fiscalité est encore incertaine, reposant sur un faible niveau contributif d’une population vivant à plus de 80% sous le seuil de pauvreté et sur un cadastre et adressage non achevés. Conséquence, leurs recettes de fonctionnement avoisinent 761 euros par habitant contre 1.189 euros en métropole.
Se créer ses propres recettes
D’autre part, elles ont du mal à mobiliser d’autres sources de financement. C’est ce qu’a initié avec succès la commune de Dzaoudzi Labattoir en tentant d’obtenir des recettes pour services rendus, sa DGS faisait remarquer que « l’indépendance des collectivités, c’est d’asseoir leur propre financement. »
Si les recettes ont augmenté, les dépenses de fonctionnement aussi, avec une hausse des charges de personnel de 13% (en 2015), « avec notamment l’application du décret sur l’indexation des salaires », précise le rapport. Indexation qui a atteint les 40% cette année 2017, et qui impacte donc encore la masse salariale des communes. « Un effet d’autant plus important que la plupart souffrent encore d’effectifs pléthoriques », et mal répartis, fait remarquer Anchya Bamana, maire de Sada : « Avec 80% à Sada, la barque est chargée en catégories C ! Il faut faire avec. »
Utiliser les interco comme tampon
Alain Le Garnec, directeur du CNFPT, relativisait l’importance des agents de ces catégories, et appelait à requalifier le personnel. Kevin Cariou émettait l’idée de mutualiser les coûts avec les intercommunalités, « de la même manière que vous avez pu mutualiser vos cadres et ainsi accroitre les compétences en leurs seins ». Il indiquait par ailleurs fournir prochainement un état du personnel des communes au 1er janvier 2017.
Un équilibrage récent et fragile entre recettes et dépenses dans certaines communes, et apparemment insuffisant pour dégager une épargne et donc des investissements. Les dotations aux constructions scolaires leur ont permis d’engager des dépenses qu’elles n’ont pas toujours cadrées, « phénomène qui souligne la difficulté de se projeter dans une programmation pluriannuelle d’investissement. Et pourtant, celles qui l’ont fait s’en sortent mieux, certaines ont pratiqué des politiques de recrutement vertueuses, notamment grâce au recours à des cabinets extérieurs », commente Kévin Cariou.
Un package AFD
Et l’AFD dans tout ça ? « Comptez-vous faire évoluer votre politique aux besoins des collectivités ? », interrogeait la DGS de Dzaoudzi. Pour l’AFD, un critère, « il faut un taux d’épargne brute supérieure à 15% pour pouvoir obtenir un prêt chez nous ». Etant donné la faible valeur contributive de la population, ce plafond risque de les priver de tout espoir de développement. C’est pourquoi, certains bénéficient malgré tout d’un prêt de préfinancement, notamment pour accéder aux fonds européens, « comme le Syndicat des Eaux et sans doute bientôt, la commune de Sada ».
Une idée va être étudiée, proposée par plusieurs DGS, « pouvoir bénéficier d’un prêt tout en étant accompagnés ». Accueillie favorablement par l’AFD, « c’est notre plaidoyer auprès du ministère des Outre-mer. »
Patrick Salles, directeur de l’AFD, soulignera l’importance de ce premier travail statistique, « qui sera complété en 2016-2017 par des analyses affinées ».
Une rencontre très utile, qui aura encore montré que les collectivités sont en grande demande d’accompagnement, y compris sur des sujets qui sortent des compétences de l’AFD, comme la régularisation foncière. Avec deux groupes, celles dont les budgets sont encore dans le rouge, et les autres, mais avec un souci commun : trouver des recettes propres.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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