Intégrée à la Loi Egalité réelle par la mobilisation des élus locaux et nationaux, dont le sénateur Thani Mohamed Soilihi, la baisse de 60% de la valeur locative, qui réduira d’autant les taxes foncière et d’habitation, et la CFE, sera applicable à partir du 1er janvier 2018. Et relève d’un défi qui s’annonçait quasiment insurmontable. Le JDM n’a pas été en reste pour consacrer titres et larges tribunes au sujet, avec la collaboration de Philippe Nikonoff, Directeur du cabinet A6CMO.
Notre territoire avait en effet les mêmes niveaux de valeur locative qu’en plein centre ville de Bordeaux, l’année 2012 ayant été prise en référence ici, alors qu’elle remonte à 1970 en métropole.
« Mayotte a su montrer à la France qu’elle avait raison sur ce sujet et face à de hauts fonctionnaires armés », rappelle Philippe Nikonoff, histoire de booster une confiance en soi qui fait souvent défaut ici. Le cabinet conseil sollicité depuis plusieurs années par l’Association des Maires de Mayotte (AMM) était celui qui accusait l’Etat de faire des économies sur le dos des communes, en ne poussant pas à l’identification des ménages exonérés de l’impôt pour lesquels il devrait compenser. Il avait évalué la perte pour les communes à 20 millions d’euros par an sur 3 ans.
Yes, they can !
Il faut donc plus que jamais rester vigilant. « Ra Hachiri » est justement la devise de Mayotte. Car la baisse de 60% de la valeur locative, si elle est une bonne nouvelle pour le contribuable, l’est moins pour les communes qui vont sentir passer le manque à gagner. « Elle doit être compensée par l’Etat, c’est inscrit dans la loi Egalité réelle, mais reste à savoir comment », interpelle l’économiste. Car l’évolution doit se faire à taux constant de la taxe d’habitation. Pas de crainte de hausse donc… Si l’Etat compense.
C’était justement l’objet d’un rapport commandée par l’AMM, et qu’a rendu ce mardi 2 mai Philippe Nikonoff. « L’Etat peut compenser sur la base imposable. Mettons qu’elle passe de 50 millions à 20 millions d’euros, avec un taux fixé à 10%, l’Etat devra rembourser 3 millions d’euros. Mais il peut aussi vouloir compenser sur la cotisation perdue pour chaque fichier. Ce qui complexifierait la procédure, multipliant les contentieux, en raison du manque de fiabilité des fichiers. » On peut craindre que l’Etat choisisse la solution la moins couteuse.
Il préconise donc une compensation globale sur la base. C’est le dossier que l’AMM devra défendre à Bercy. « Ils ont montré qu’ils pouvaient le faire. »
Les chiffres INSEE en ligne de mire
De son côté, Philippe Nikonoff et sa collaboratrice, forment actuellement les cadres des mairies sur la fiscalité et les outils adaptés, « presque toutes les communes sont présentes, en dehors d’une ou deux. Et je peux vous dire qu’ils ne sont pas moins compétents que des cadres de grosses communes de métropole. »
Et parce qu’on n’est jamais trop vigilant, il conseille de constituer un comité des sages, « pas avec mon cabinet, nous sommes partie prenante », qui suivrait l’application du dispositif. Il en va d’une utilisation appropriée de la compensation de l’Etat. Si Mayotte a son « Ra Hachiri », Philippe Nikonoff a un grand-père russe, qui répétait souvent ce proverbe, « Fait confiance et vérifie ».
Une fois sécurisées, les recettes des communes pourraient être augmentées par des solutions simples : « Il manque toujours dans les fichiers des Services fiscaux 60% des locaux et autant en propriétaires. L’Etat doit mettre les moyens et se fixer comme objectifs d’atteindre le même recensement d’habitat en dur par exemple que l’INSEE. » Un travail de longue haleine pour enregistrer les multiples propriétaires d’une même habitation à Mayotte, « mais la baisse des droits de succession qui vient d’être votée va permettre aux femmes de régulariser auprès de leurs filles à moindre coût ».
C’est un des derniers dossiers mahorais que rend un Philippe Nikonoff rayonnant, qui va passer la main à sa collaboratrice, avant d’entamer, en famille, un grand tour du monde.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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