La passation de direction de l’aéroport de Mayotte entre Daniel Lefebvre et Yves Christophe jeudi soir, fut l’occasion d’un point d’étape sur les investissements en cours. D’autant plus important qu’ils ont été détaillés par Gérard Mayer, le Secrétaire Général de SNC-Lavalin, qui se désengage, et également président de la SEAM, gestionnaire de l’aéroport de Mayotte.
S’il s’est voulu rassurant sur les conséquences du départ de Lavalin des aéroports français, s’appuyant sur la pérennité de la SEAM, « nous serons présents en 2026 pour répondre au renouvellement de la délégation de service public », le nouveau directeur devra quand même assurer le « passage de relais » entre SNC Lavalin et le fonds d’investissements Impact Holding, comme le soulignait le préfet Frédéric Veau.
Parmi les trois principaux défis que devra relever la SEAM, tel que l’évoquait Gérard Mayer, la modification de la piste aux normes européennes pour 2018, est le plus urgent.
Destruction de la mosquée
Il s’agit de stopper les avions en cas de défaillance : les lits d’arrêt, ou EMAS (Engineered material arresting system) sont des dispositifs d’arrêt à matériau absorbant pour les avions, un peu comme il en existe pour les camions sur les pentes des autoroutes. La sortie de piste d’un Airbus A340 à Toronto en 2005, qui n’a heureusement fait aucune victime, avait souligné les enjeux majeurs de sécurité lors de ce type d’accidents.
« Sans cet investissement, Mayotte ne pourrait plus recevoir d’avion, et vous allez revenir 50 ans en arrière », avertissait le président de la SEAM, qui n’a pas intérêt à voir le trafic passagers s’effondrer. Car si la piste est rognée de 180m pour assurer la mise aux normes européennes, elle ne pourra plus accueillir les gros porteurs.
Gérard Mayer et Daniel Lefebvre ont rencontré à ce sujet les autorités religieuses jeudi puisque le projet implique la destruction de la mosquée de l’aéroport. « Mais il y a un problème de financement », relevait-ils.
« Pas le rôle de l’Etat »
Il faut trouver 12 millions d’euros, et rapidement. Le JDM avait déjà alerté sur ce sujet, relatant un probable financement Etat-collectivités chez nos confrères réunionnais qui doivent aussi sécuriser leur piste. « Ce n’est pas le rôle de l’Etat, mais plutôt des fonds européens », tranchait jeudi Gérard Mayer, tendant la perche à Frédéric Veau.
Et le préfet se positionnait en effet en faveur des fonds européens lors de son discours. Mais nous sommes sur une enveloppe 2014-2020 aux sommes déjà fléchés. « Nous devrons effectuer un redéploiement des contractualisations européennes », glissait le représentant de l’Etat. Il va donc falloir jongler avec les lignes des programmes FEDER, d’un montant de 148 millions d’euros, et CPER (Contrat de projet Etat Région), qui doivent rester en symbiose, et certainement, déshabiller plusieurs Paul pour habiller les lits d’arrêts.
Selon nos informations, ce dossier, inscrit en 2014 au Programme opérationnel du fonds européen FEDER, en a été mystérieusement retiré… « Même Bruxelles n’a pas compris », relève notre source.
En déléguant la gestion des fonds européens à l’Etat, le conseil départemental aurait pu espérer plus d’anticipation et de professionnalisme de la part des services du Secrétariat général aux Affaires économique (SGAR) de la préfecture de Mayotte. D’autant que depuis le lancement de la programmation en 2014, nombreux sont les chefs d’entreprise à avoir déposé un projet classé sans suite, et surtout, à se plaindre de n’en avoir aucun retour.
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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