«Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants». Ce sont les termes de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme, cet article dont la violation vaut une série de sanctions contre la France.
Ce mardi, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a annoncé la condamnation de notre pays dans sept dossiers différents. Cinq de ces dossiers concernent le placement d’enfants dans des centres de rétention administrative (CRA).
Ce n’est pas le placement de mineurs dans les CRA qui est directement condamné mais les conditions de leur rétention. Pour la Cour de Strasbourg, c’est une «conjonction de trois facteurs» qui est inacceptable: «le bas âge des enfants, la durée de leur rétention et le caractère inadapté des locaux concernés à la présence d’enfants». Sur la base de ces critères, la CEDH considère que ces mineurs ont placés dans un univers carcéral et ont fait l’objet de mauvais traitements.
La condamnation porte également sur la notion de détention arbitraire. Pour la CEDH, les autorités françaises ne se sont pas pliées à l’exigence de recherche d’une solution alternative à la rétention, comme l’assignation à résidence. C’est enfin le droit au recours des personnes privées de liberté que la Cour estime être violé par la France, leur statut de mineur n’a pas été pris en compte lors des recours déposés.
Une inversion de tendance
Dans la foulée de ces condamnations, Jacques Toubon, le défenseur des droits, a dans un communiqué de mettre «immédiatement» fin à «la rétention des enfants». Et il va plus loin. Il affirme que la loi du 7 mars 2016 sur le droit des étrangers est «contraire à la Convention européenne des droits de l’homme».
Pourtant, François Hollande avait fait de la fin du placement de familles avec enfants dans les CRA une de ses promesses de campagne. Et de fait, suite à une circulaire de Manuel Valls de juillet 2012, l’assignation à résidence pour les mineurs plutôt que le placement en rétention semblait devenir la règle. En métropole, le nombre d’enfants passés par les CRA avait été ramené à 45 en 2014 contre 312 en 2011.
Mais depuis, la tendance est repartie en sens inverse. En 2015, ce sont 105 enfants qui ont été placés avec leurs parents en CRA, et ils sont déjà 67 sur les 6 premiers mois de l’année.
Mayotte, la bombe à retardement
Au regard de cette situation, Mayotte apparaît, toujours plus, comme une anomalie dramatique. Chez nous, les chiffres sont sans commune mesure avec ceux de la métropole. En 2015, ce sont ainsi 4.373 mineurs qui sont passés par le CRA de Pamandzi. Ces enfants proviennent essentiellement des kwassas interceptés en mer ou lors de l’arrivée à terre par les forces de sécurité.
Alors que dans le CRA de Mayotte, la durée de rétention est généralement plus courte qu’en métropole, souvent moins de 24 heures, la situation conduit à un autre problème de droit: la quasi impossibilité de lancer des recours.
Ces condamnations par la CEDH confirment une situation ancienne et une dénonciation constante de la justice européenne (la France a déjà été condamnée en 2012 dans les mêmes termes) et de nombreuses associations. Et du point de vue du droit international, les pratiques mises en place par la France pour le CRA de Mayotte apparaissent plus que jamais comme une véritable bombe à retardement qui ne peut que déboucher sur de nouvelles et lourdes condamnations.
RR
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