« La salle est bien petite d’un coup ! », constatait le maire Assani Saindou Bamcolo en entrant, serein, pour présider le conseil municipal de ce dimanche 7 février. Et pour cause : à côté des 35 conseillers municipaux, une quinzaine d’habitants de Koungou s’était déplacés, persuadés que leur demande d’inscription de la question de la taxe d’habitation était portée à l’ordre du jour.
Furieux d’apprendre que ce n’était pas le cas alors qu’ils avaient interpellé les services communaux il y a deux mois, qu’une réunion préparatrice à l’assemblée du jour ne s’est jamais tenue contrairement à la promesse du maire, ils refusaient que le point soit porté en questions diverses, exigeant une vraie délibération : « On ne peut pas payer. Ma taxe d’habitation est quatre fois moins chère pour un appartement à Narbonne-plage, qui bénéficie d’infrastructures comme les pistes cyclables et de ramassage des déchets ! », interpellait l’un, quand un autre se plaignait d’un montant qui atteignait plus de 6.000 euros, et qu’un troisième critiquait une montée en flèche du taux de son T4 à Trévani, de 11 à 25%, portant sa taxe de 990 à 3.200 euros.
Juste une histoire de trou à combler
La proposition du maire de reporter la question lors du prochain conseil municipal a carrément mis le feu aux poudres, les contribuables y voyant une nouvelle esquive : « Vous fuyez ! C’est une mascarade ! Nous voulons l’inscription en ordre du jour complémentaire aujourd’hui ! », et l’énervement est allé crescendo lorsque le DGS, Abdou Salam Baco, expliquait que les taux seront votés à la baisse en 2016, « car nous n’avons plus de trou à combler. »
Les habitants présents se sont alors vus comme « des vaches à lait » : « Nous ne sommes que 20% à être imposés, et à payer pour tous, parce que les autres adresses ne sont pas connues. C’est une rupture d’égalité devant l’impôt, vous n’avez pas fait votre travail d’adressage. »
Le calme revenu, le DGS rappelait que les recettes, quasiment garanties par la Direction régionale des Finances publiques (DRFIP) pour 2015, n’avaient pas été au rendez-vous : « Elles nous auraient permis de conserver des taux moyens. Mais les services fiscaux n’ont pas pu tout collecter. Face à une perte de plus d’un million d’euros, ils nous ont fait une simulation de taux pour combler le déficit. C’est ce que nous avons appliqué. » Il annonce d’ailleurs une future action en justice : « Nous allons déposer plainte contre l’Etat qui nous a induits en erreur. »
L’exemple de Tsingoni
Une bascule vers le droit commun arrivé trop tôt à Mayotte, l’Etat sachant pertinemment les problèmes qu’avaient les communes avec l’adressage, notamment en raison d’une immigration clandestine mal régulée, et Koungou est particulièrement touchée. Un Etat également interpellé sur la valeur locative dont on rappelle qu’elle est beaucoup plus élevée ici (basée sur 2012) qu’en métropole (1970).
Une explication qui ne va pas alléger pour autant le chèque que les contribuables doivent s’acquitter et pour lequel ils demandent un effort : « Ayez le courage de votre collègue de Tsingoni qui est revenu sur l’augmentation de la taxe foncière ! », lance l’un d’entre eux, interpellant le maire sur les propres efforts consentis par la mairie pour contribuer au redressement du budget. « Par une meilleure gestion de la masse salariale », lui répondra-t-on, sans parvenir réellement à convaincre.
Une heure après plusieurs échanges très tendus, les administrés ont consenti à lâcher sur leur demande d’inscription du sujet à l’ordre du jour pour accepter, sur l’invitation de Zoubert Saïf Eddine, DG des services techniques, une réunion en mairie dans la semaine avec l’inspectrice des impôts pour avoir un état des lieux clair et connaître les voies de recours possible.
Un espoir qui pourrait être vain : un habitant indiquait qu’après doublement de sa valeur locative entre 2014 et 2015, imputable aux services de l’Etat, il s’était rendu à la DRFIP, « mais là, je n’ai pu rencontrer personne. » Certains se sont groupés pour s’adjoindre les services d’un avocat.
Et en cas de sourde oreille de tous les côtés, les contribuables de Koungou ont bien l’intention de lever la voix, « à la mairie et aux impôts. »
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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