Ali Nizary est le premier à avoir obtenu son diplôme d’Etat grâce à la Validation des acquis de l’expérience à Mayotte. Reconnu de la même manière que s’il avait été passé dans le cadre d’un concours, le diplôme sanctionne aussi la compétence.
« Mayotte a besoin de cadres pour construire son action sociale, pour assister une société en pleine mutation et surtout pour produire une action qui corresponde à la réalité du terrain » : c’est le tout nouveau diplômé d’Etat d’ingénierie sociale Ali Nizary qui s’exprime ainsi. Celui qui fêtait la semaine dernière les 10 ans de son association de personnes âgées, Wadzade wa maore, est assistant social à la DEAL (Direction de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement) de Mayotte. Mais peut, et veut, mieux faire.
Prenant conscience des besoins de son territoire, il tente en 2010 de passer son Diplôme d’Etat par la Validation des Acquis de l’expérience (VAE), « mais je n’en avais pas les compétences ». Ce qui ne l’empêche pas d’innover et de lancer une cellule de veille de climat social au sein de la DEAL, « avec notamment une mission d’alerte de conditions de travail des agents. »
Nanti de cette expérience et des innovations qui lui valent trois prix nationaux de la Semaine bleue pour son association, il se relance dans l’aventure du diplôme de DE d’Ingénierie sociale qu’il décroche cette fois, après être passé devant un jury de professionnels et d’universitaires. Il va donc pouvoir occuper un poste à responsabilité comme il le souhaitait, « dans les services de l’Etat ou une collectivité territoriale ». Il boucle actuellement la validation du CAFERUIS, riche acronyme qui lui permet d’assumer une fonction de direction au sein d’un établissement social ou médico-social.
De l’aide soignant à l’ingénieur… rien qu’avec la VAE
Et pense déjà à partager l’expérience qu’il vient de vivre : « la promotion de 12 travailleurs sociaux qui viennent de valider en métropole le CAFERUIS, peuvent engager les même démarches que moi de Validation des acquis de l’expérience. »
La VAE est en effet une opportunité pour notre territoire éloigné des centres de formation nationaux. Elle permet de faire reconnaître officiellement les compétences acquises sur la base d’une expérience professionnelles sur une période d’au moins trois ans. « Il existe deux portes d’entrée à Mayotte, les organismes du type OPCALIA, et les centres de bilan de compétences », explique Raymond Delvin, Chef de Pôle en charge des formations à la DJSCS (Direction de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion sociale).
La DJSCS propose à elle seule 14 diplômes dans le cadre de la VAE, exclusivement dans les domaines du social et de la santé : du bas de l’échelle en niveau 5 avec notamment le diplôme d’état d’aide soignant, ou d’assistant familial, au top du niveau 1 avec le diplôme d’Etat d’Ingénierie sociale, en passant par le niveau 3 de préparateur en pharmacie ou d’éducateur de jeunes enfants. « Il faut pouvoir faire valoir une expérience professionnelle en rapport avec le diplôme », indique Raymond Delvin.
Un besoin en formation de 2.000 postes insérables
Lancé en octobre 2014 sur financement de l’Agence des services et de paiement (ASP), la première salve d’une trentaine de candidats a été dans la base d’un fichier national, « 15 remplissaient les conditions, et 7 ont déjà pu être qualifiés ». La difficulté pour les organisateurs de la DJSCS, c’est de trouver sur le territoire un jury qualifié, « il n’y avait par exemple qu’un seul Ingénieur social à Mayotte qui s’est désisté ».
Pour le chef de Pôle formation, c’est une certification qui devrait séduire du monde à Mayotte : « beaucoup sont freinés à l’idée d’aller suivre une formation initiale à l’extérieur, et font déjà le job au quotidien. » En outre, l’étude de la Dieccte (Direction de l’emploi) publiée en 2013 fait ressortir un besoin en formation de 2.000 places. Une compétence du conseil départemental, qui, si elle était suivie, permettrait de proposer des diplômés insérables quasiment immédiatement.
Accompagné par l’Etat
Une contrainte financière forte pour le département, « mais compensée intégralement par l’Etat sur les domaine de la santé et du social », informe Raymond Delvin. Ainsi par ce biais, plus de 600.000 euros sont débloqués cette année, « avec 23 étudiants formés en travail social. »
La démarche est simple, la constitution du dossier moins : « il faut se connecter au site de l’ASP, et remplir le livret 1 avec les indications. C’est une démarche individuelle, les centres d’information comme le CIO sont également là pour conseil. » Une fois ce cap passé, tout accompagnement sur le Livret 2 coûte 600 euros environ.
Une démarche qu’il ne faut pas confondre avec celle de la Reconnaissance des acquis de l’expérience professionnelle où les candidats ne sont pas auditionnés par un jury.
Pour attraper le prochain train de VAE, il faudra attendre la production du prochain Schéma de formation professionnelle de Mayotte, « et l’ouverture de l’antenne de l’IRTS, l’Institut Régional du travail social, qui va lui aussi proposer des formations à Mayotte ».
Un travail qui entre (heureusement !) dans les projections du document Mayotte 2025, « où nous avons identifié les besoins sur les métiers en tension, ceux du sanitaire et social ». Seul regret de Raymond Delvin, « il manque toujours un Observatoire des métiers sanitaire et social à Mayotte et davantage de partenariat avec l’Université ».
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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